Marseille à la pointe de l’art urbain

L’association Juxtapoz donne à voir les œuvres de vingt-trois artistes internationaux dans l’ancien couvent Levat.

Alexandra Scappaticci  • 25 juillet 2018 abonné·es
Marseille à la pointe de l’art urbain
© photo : Psymedia

Après le succès retentissant de l’exposition Aux Tableaux, qui a réuni plus de 43 000 visiteurs en 2015, l’atelier Juxtapoz est de retour à Marseille avec un nouveau projet XXL. Pour l’occasion, l’association a fait appel au commissaire d’exposition Gaël Lefeuvre, notamment maître d’œuvre du projet Tour 13 à Paris pour la galerie Itinérance. Il s’est tourné vers des artistes qui ont une longue pratique de l’art de rue. Le thème retenu : l’émancipation. Émancipation des artistes vis-à-vis de leur pratique d’origine, mais aussi émancipation « de l’homme qui se libère de ses chaînes, de la société, de l’esclavage moderne ». Pour Gaël Lefeuvre, « l’art n’est pas là pour décorer mais pour provoquer, faire réfléchir. »

« Émancipation » est une exposition à la croisée de l’art urbain et de l’art contemporain : 23 artistes internationaux y exposent leurs œuvres, créées in situ, sur un parcours de plus de 17 000 m2. Dans un ancien couvent, en plein cœur de la ville, le visiteur déambule au gré de ses envies. La chapelle, entièrement revisitée par Axel Void, dont la peinture s’inspire des peintres classiques allemands, et L.E.O est la pièce choc de l’exposition. Fascination ou rejet total, elle ne laisse pas le visiteur indifférent.

À travers sa fresque noire aux croix dorées, recouverte d’un fil barbelé formant le mot Welcome, Alias Ipin aborde le sujet de la crise de l’accueil en Europe, des frontières qui se ferment, sur une musique de Philippe Petit, un morceau pop qui se désintègre au fur et à mesure, comme se désintègrent les espoirs des migrants tout au long de leur chemin.

Une exposition « parfois déroutante mais qui fait sens »

À côté des œuvres monumentales, comme la fresque de Bom-K, les petites figurines d’Isaac Cordal, placées dans des cages, captent l’attention. Elles reproduisent des scènes du quotidien et interrogent sur l’absurdité de notre existence. Sean Hart, entre typographie et poésie, recouvre les murs de fragments de textes de Josèfa Ntjam, qui parlent de plantes imaginaires, de révolte et de résistance… Les teintes employées sont volontairement sobres, « c’est un pied de nez à la récupération institutionnelle du street art, considéré aujourd’hui comme de la déco urbaine colorée et pop », selon Gaël Lefeuvre.

Pour Karine Terlizzi, chargée de production, cette exposition est « parfois déroutante mais (…) fait sens. C’est incroyable, la manière dont les visiteurs s’approprient le lieu, ils y passent du temps, y reviennent… »

Le mercredi soir et le week-end, ateliers, performances artistiques, conférences-débats, concerts et DJ set, spectacles pour jeune public, ainsi qu’un cinéma en plein air dans la prairie, animent le site. Le tout est accessible de manière illimitée pour une adhésion de 2 euros.

Véritable poumon vert au cœur du quartier de la Belle de mai, l’ancien couvent Levat a abrité la congrégation des Victimes du Sacré-Cœur de Jésus pendant près de cent cinquante ans. Les sœurs y vécurent cloîtrées, en autosubsistance, grâce au verger, au poulailler et au potager (aujourd’hui partagé par des associations du quartier et les résidents du couvent), avant de céder les lieux à la ville de Marseille. Depuis janvier 2017, l’association Juxtapoz dispose d’un bail d’occupation précaire de trois ans et a transformé le site, désacralisé, en cité d’artistes : 90 résidents, essentiellement issus des arts visuels et des métiers d’arts, y travaillent. À terme, l’endroit deviendra un jardin public.

Émancipation, couvent Levat, Marseille IIIe, jusqu’au 13 octobre.

Culture
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