Hoa Queen : Belles de nuit

Pour sa première réalisation, Hoa Queen propose un disque stylé et envoûtant.

Jacques Vincent  • 10 septembre 2018 abonné·es
Hoa Queen : Belles de nuit
© photo : Stéphane-Hervé

C’est un groupe avec un nom de fleur. Plus qu’un nom, un emblème qui ornait son premier EP sorti l’an passé et réapparaît sur la pochette de l’album. Cette fleur qui pousse au Vietnam a la particularité d’éclore la nuit et de disparaître sitôt le jour venu.

Ce n’est sans doute pas dans un désir du groupe de disparaître dès la première éclosion qu’il faut chercher ces accointances végétales. Peut-être plus du côté nocturne. Cette fleur aime la nuit et l’obscurité, les chansons de Hoa Queen aussi. S’il s’était agi d’une fleur vénéneuse, le parallèle aurait été encore plus juste. Il semble néanmoins que ce ne soit pas le cas.

Car vénéneuses, ces chansons le sont, porteuses d’un parfum capiteux qui les rend entêtantes. Ce sont comme de petites nouvelles noires racontées à la première personne par la chanteuse, Aurélie Guillier, souvent d’une voix ingénue de petite fille qui, par contraste, rend le résultat d’autant plus troublant. Elles ont en commun d’évoquer exclusivement des figures féminines, d’être des récits de mort ou de meurtre. Une narratrice parle depuis sa cellule de condamnée à mort, une autre du fond de son cercueil.

D’autres ingrédients renforcent le climat inquiétant qui règne dans cet univers : le banjo sec comme un vent étouffant porteur de mauvaises nouvelles, l’orgue et ses relents tragiques, le mellotron, les chœurs à la lumière spectrale qui semblent errer dans une autre dimension, les cloches, éternelles annonciatrices de tragédie.

On y verra à la fois une grande culture musicale et une capacité à créer des climats par le choix de l’instrumentation et ses différentes utilisations possibles. C’est flagrant avec les guitares, qui peuvent passer d’un état brumeux dans un morceau à un accès de violence ou de fièvre dans un autre, comme des bêtes sauvages tapies dans l’ombre qui sauteraient soudainement à la gorge. La longue pratique des deux protagonistes, Aurélie Guillier et Éric Cervera, dans le trip-hop il y a longtemps et dans l’écriture de musiques de film par la suite, n’y est sans doute pas pour rien.

À ce savoir-faire s’ajoute un soin apporté aux mélodies et à la façon de raconter ces petites histoires macabres. Tout cela, on en conviendra, finit par constituer un beau bouquet d’arguments pour ne pas passer à côté d’un premier album particulièrement réussi.

Hoa Queen, Hoa Queen, Beast Records.

Musique
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