Les EPR d’EDF en Grande-Bretagne menacés par la mer

Les deux réacteurs nucléaires en construction outre-Manche nécessiteront des infrastructures pour les protéger des eaux marines, afin d’éviter un accident de type Fukushima.

Claude-Marie Vadrot  • 7 octobre 2018
Partager :
Les EPR d’EDF en Grande-Bretagne menacés par la mer
© photo : MATT CARDY / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES/AFP

La mise en route de l’EPR français connaît encore des difficultés qui vont une nouvelle fois retarder sa mise en route et grossir la facture finale. Les deux réacteurs EPR en début de travaux en Grande-Bretagne, sous la direction de ses constructeurs français (EDF) et chinois, est à nouveau contesté par les spécialistes de l’atome civil et les journaux anglais.

Sur le site de Hinkley Point, le mur de protection qui doit protéger l’installation de la mer est en construction. Ce sera la plus importante muraille jamais mise en place dans le monde autour d’une centrale : l’enceinte de ciment se dressera sur près d’un kilomètre, avec une hauteur d’une douzaine de mètres. Cela en fera la plus chère du monde, provoquant un nouveau dérapage financier qui devrait faire monter la facture au-delà des 24 milliards annoncés par le gouvernement britannique et EDF. Comme toujours, EDF rejette les critiques, mais le gouvernement britannique a lancé discrètement de nouvelles études. Sur ce mur nucléaire mais aussi sur l’ensemble du projet.

Menaces de tsunami et de tempêtes

Les protecteurs de l’environnement et les journaux anglais expliquent qu’en cas de grande tempête ou de tsunami, les réacteurs, situés à seulement huit kilomètres de la mer, ne seraient pas suffisamment protégés des eaux marines auxquelles les installations sont exposées par le grand chenal de Bristol. Cela leur fait redouter un accident du même type que celui de Fukushima.

Peter Roche, ancien conseiller de gouvernement anglais, signale « que certes le mur a l’air solide, mais cette zone côtière est l’un des endroits de la planète où les coefficients de marée sont les plus élevés et est minée par une très forte érosion ». Comme d’autres spécialistes, Peter Roche rappelle qu’en 1981 le site choisi avait été inondé suite à la conjonction d’une forte marée de printemps conjuguée avec une tempête. Cette situation avait entraîné la fermeture de l’ancienne centrale nucléaire pendant plus d’une semaine et qu’une catastrophe avait été évitée de justesse.

Le réchauffement climatique oublié…

Le problème, expliquent les contestataires, c’est que les plans de la centrale ont été conçus en 2012, avant que la fonte des glaciers du Groenland prennent l’ampleur actuelle et avant que ceux de l’Antarctique commencent à subir le même sort. Roche signale également que dans la région concernée le niveau de la haute mer a augmenté d’un mètre au cours des cinquante dernières années. Ces remarques rejoignent tous les rapports scientifiques publiés en 2018 :

• d’une part, les variations des niveaux de la mer vont mettre en danger les centrales de bord de mer bien plus rapidement que les installations industrielles littorales classiques ;

• d’autre part, les standards édictés par les Nations unies et l’Agence internationale de l’énergie atomique pour les centrales de bord de mer sont désormais périmées ;

• enfin, le réchauffement climatique n’a pas été suffisamment pris en compte par leurs concepteurs.

L’autorité mondiale rappelle aussi, citant le cas de Fukushima, qu’un événement lié à une invasion d’eau de mer est susceptible de mettre à mal ou de couper l’alimentation électrique nécessaire au refroidissement des réacteurs, quelle que soit leur technologie. Et que une sur quatre des 460 centrales fonctionnant dans le monde ont été installées au bord de la mer, à une époque où les effets du réchauffement climatique n’étaient pas pris en considération.

Écologie Monde
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

À La Hague, haro sur les déchets nucléaires
Reportage 16 juillet 2025 abonné·es

À La Hague, haro sur les déchets nucléaires

Présenté comme le « futur plus grand chantier de France », le programme « Aval du futur » d’Orano prévoit d’agrandir l’usine de retraitement des déchets nucléaires de La Hague. Il ravive surtout une résistance citoyenne pour défendre un territoire.
Par Vanina Delmas
En Louisiane, Trump révise la mémoire de l’esclavage
Reportage 16 juillet 2025 abonné·es

En Louisiane, Trump révise la mémoire de l’esclavage

Depuis son retour à la Maison Blanche, le président des États-Unis mène une offensive contre les institutions culturelles engagées dans la transmission de la mémoire de l’esclavage. Reportage en périphérie de la Nouvelle-Orléans.
Par Apolline Guillerot-Malick
Droit international : quand règne la loi du plus fort
Monde 9 juillet 2025 abonné·es

Droit international : quand règne la loi du plus fort

Les principes du droit international restent inscrits dans les traités et les discours. Mais partout dans le monde, ils s’amenuisent face aux logiques de puissance, d’occupation et d’abandon.
Par Maxime Sirvins
Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face

Depuis les traités de Westphalie, le droit international s’est construit comme un champ en apparence neutre et universel. Pourtant, son histoire est marquée par des dynamiques de pouvoir, d’exclusion et d’instrumentalisation politique. Derrière le vernis juridique, le droit international a trop souvent servi les intérêts des puissants.
Par Pierre Jacquemain