Sibel pride

Une jeune femme muette incarne la résistance à la morale patriarcale dans la Turquie villageoise.

Christophe Kantcheff  • 5 mars 2019 abonné·es
Sibel pride
© crédit : photo : Pyramide Distribution

Le premier long-métrage de Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti, Noor, mettait joliment en scène un transgenre au Pakistan en rupture avec sa communauté. Sibel, leur troisième opus, poursuit dans cette voie de la différence, avec, cette fois-ci, une jeune femme muette pour personnage principal, qui s’exprime grâce à une langue sifflée locale.

L’action se déroule en ­Turquie (dont Çagla Zencirci est originaire). Considérée par les autres femmes comme une pestiférée, Sibel (Damla Sönmez) est farouche, solitaire. Seul son père (Emin Gürsoy), veuf, est pour elle un protecteur : il apprécie son âpreté au travail et son abnégation dans les travaux de la maison, alors que son autre fille, Fatma (Elit Iscan), se conduit comme une enfant gâtée.

En quête de reconnaissance, Sibel traque un loup dans la forêt, dont la menace terrorise les habitants. Ce faisant, elle surprend un fugitif, Ali (Erkan Kolçak Köstendil), qu’elle blesse lors de leur premier contact mouvementé. Puis elle va l’aider à se cacher, et peu à peu se noue entre eux un amour.

Tourné dans un village non loin de la mer Noire, entre collines et forêt, Sibel est une œuvre physique et sensorielle. Damla Sönmez incarne l’héroïne avec une rude énergie qui n’exclut pas l’éveil du corps à la sensualité. Le film traite aussi de la place des femmes dans la société turque – ici villageoise – sans l’habituelle victimisation dramatisée, mais à travers une jeune femme à la fois handicapée, transgressive et qui tient tête à tous ceux qui la rejettent, y compris à sa propre famille une fois découverte sa ­liaison avec le fugitif. Sibel donne à voir le courage d’une amoureuse singulière, qui explose le milieu patriarcal et autoritaire, entretenu aussi par de nombreuses femmes.

Sibel, Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti, 1 h 35.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes