Netanyahou pour la politique du pire

Probable vainqueur des législatives israéliennes, le Premier ministre sortant va devoir se soumettre aux conditions d’encore plus extrémistes que lui.

Denis Sieffert  • 10 avril 2019
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Netanyahou pour la politique du pire
© crédit photo : THOMAS COEX / AFP

À peu de choses près, les élections législatives israéliennes du 9 avril ont livré le verdict qui était prévu : une quasi égalité entre le Likoud de Benyamin Netanyahou et la liste Bleu-Blanc de l’ancien chef d’état-major de l’armée, Benny Gantz, qui ont obtenu 35 sièges chacun. Un résultat qui donne une image assez fidèle de l’état de la société israélienne, entre extrême droite et centre droit, après une campagne de haine anti-arabe sans précédent. 

Mais c’est le Premier ministre sortant qui sera en situation de se maintenir parce que, à la différence de son adversaire, il va probablement pouvoir former une coalition et atteindre la majorité des 61 sièges à la Knesset (le Parlement).  

Droitisation de la société

Pour y parvenir, Netanyahou va devoir se soumettre encore un peu plus aux plus extrémistes et aux plus racistes des petits partis. Il pourra compter sur le ralliement des deux partis religieux orthodoxes (Judaïsme unifié et Shas) qui ont obtenu 8 sièges chacun. Trois autres mouvements pourraient faire l’appoint, Koulanou (4 sièges), dont le leader exige déjà le portefeuille des Finances, Israël Beytenou (5 sièges), du très raciste Avigdor Lieberman, et l’Union des partis de droite (5 sièges) où l’on retrouve les héritiers politiques du parti Kach qui avait été interdit jadis par Itzhak Rabin. Vingt-quatre ans après l’assassinat de l’ancien Premier ministre, artisan des accords d’Oslo, ceux qui s’inscrivent dans la mouvance de son assassin pourraient donc se retrouver au pouvoir. Terrible symbole de la droitisation de la société ! Et Netanyahou n’est ni en situation, ni d’ailleurs n’a le désire de poser des conditions à des partenaires pourtant très encombrants.

Seul raté à l’extrême droite, l’échec du parti Nouvelle droite des deux représentants des colons, Naftali Bennett et Ayali Shaked (la dame qui dans un clip se vaporise d’un parfum nommé « fascisme »), qui n’a pas obtenu de siège. Ministre de la Justice de l’actuel gouvernement, Shaked est pourtant l’inspiratrice de la dernière sortie de Netanyahou à la veille du scrutin, en faveur de l’annexion de toutes les colonies implantées en Cisjordanie.

Une longue période marchandages 

À gauche, le Parti travailliste, longtemps hégémonique dans le pays, obtient le plus mauvais score de son histoire (6 sièges, soit 5 % des voix), tandis que le Meretz, favorable à la création d’un État palestinien, bien que repoussé dans la marginalité, obtient un résultat honorable (4 sièges). Tout comme le parti arabe Hadash-Ta’al (6 sièges), et Ra’am Balad (4 sièges) qui combat pour un État palestinien et préconise un État d’Israël démocratique qui reconnaisse à égalité de droits tous ses citoyens.

On peut prévoir maintenant une longue période marchandages entre Netanyahou et encore plus extrémistes que lui. Après quoi, le Premier ministre reconduit pourrait tenter de passer à l’acte en annexant les blocs de colonies israéliennes en territoire palestinien. Ce qui marquerait la fin définitive de la solution à deux États qui est toujours la doctrine officielle du droit international. La question se poserait alors pour les Palestiniens de modifier leur stratégie en exigeant un droit à la citoyenneté égale pour tous les habitants de l’ancienne Palestine mandataire, entre le Jourdain et la Méditerranée, et de Gaza. Pour reconfigurer ainsi le conflit, l’Autorité palestinienne devrait faire des choix stratégiques importants. Y est-elle prête alors que la division règne toujours entre le Fatah et le Hamas ?

Une inconnue de taille pourrait toutefois perturber le calendrier. C’est la situation judiciaire de Netanyahou qui est sous la menace de plusieurs inculpations pour corruption. Une situation qui risque de l’affaiblir dans les semaines de négociations tumultueuses avec une ultra-droite qui le tient à sa merci. D’où ce mot d’Ayman Odeh, le chef de file du Hadash : « Dans un an, Nous nous exprimerons encore à  la tribune de la Knesset et Netanyahou sera en prison… » L’espoir fait vivre.

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

Temps de lecture : 3 minutes
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