New Look liquidé : les salariés occupent quatre magasins

Les 353 salariés de la chaîne d’habillement craignent que la maison mère anglaise échappe à sa responsabilité sociale. Ils s’en remettent aux politiques.

Erwan Manac'h  • 25 juin 2019
Partager :
New Look liquidé : les salariés occupent quatre magasins
© Photo : Une boutique New Look de Londres, mars 2008. crédit : Chris J Ratcliffe / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images/AFP

Lassés par une crise qui n’en finit plus et des tergiversations sans fin, livrés à eux-mêmes dans des magasins désertés par les marchandises et les clients, une partie des 353 salariés de New Look ont engagé le 21 juin une dernière bataille, pour tenter d’obtenir des conditions de départ dignes.

Bientôt un an après le début de la fin, la liquidation de la filiale française de la chaîne d’habillement doit être prononcée par le tribunal de commerce de Paris, ce 26 juin. Faute de repreneur, au terme d’une période d’observation de deux mois. Le mandataire judiciaire aura 21 jours pour dessiner un plan social en urgence, en piochant dans les 6 millions d’euros de trésorerie laissés par le groupe anglais, qui semble avoir tout fait ces dernières semaines pour vider les caisses.

Les magasins ne sont plus approvisionnés et ont été vidés de leur marchandise par des promotions à – 60 %. « On ne sait même pas ce qu’on est censé faire de nos journées. La seule chose que l’on devine, c’est qu’ils veulent se débarrasser de nous », commente Cynthia, manageuse rincée, devant sa boutique du quartier Bastille à Paris, lundi.

À lire aussi >> New Look : liquidation à l’anglaise

En mars, les salariés ont en effet découvert des impayés de loyers ou d’Urssaf, en même temps qu’ils obtenaient confirmation que leur marchandise était facturée au prix fort par les Anglais avec des prix de « transfert » en forte augmentation en 2018, qui ont précipité la filiale française vers la faillite. Le mandataire judiciaire devra donc arbitrer entre l’indemnisation des salariés et le remboursement d’une ardoise de 11 millions d’euros laissée par la maison mère.

Vendredi 21 juin, les salariés de quatre magasins (Rouen, Calais, Brest et Paris Bastille) ont décidé d’occuper les locaux jour et nuit pour attirer l’attention et accroître la pression, avec l’appui du syndicat Sud Commerce. Ils comptent mettre la direction britannique devant ses responsabilités. Car c’est elle qui opère dans les moindres détails, met à jour le logiciel de facturation, gère les approvisionnements et fixe les prix sur l’étiquette. « Pour changer une ampoule, nous devions en faire la commande à la direction anglaise, qui nous la facturait 110 euros. Sachant que nous en changeons une cinquantaine par mois, pour les vitrines, la facture grimpe rapidement », s’agace Karim, directeur du magasin de Paris Bastille, ce lundi soir devant la boutique.

Ces salariés comptent notamment sur les relais politiques dans l’opposition et sur les services de Bercy, qui suivent le dossier, pour obtenir de New Look et du mandataire social une sortie de crise avantageuse.

Dans un courrier à ses salariés français, la direction du groupe New Look a réfuté des « allégations sans fondement » et argue des « très graves difficultés financières rencontrées par le groupe New Look dans son ensemble ». Elle écarte la demande de moyens financiers supplémentaires pour abonder le plan social et donne rendez-vous à ses salariés en justice, en cas de poursuite de leur part, regrettant une « stratégie de litige agressive ».

Le brouillard reste en revanche épais concernant la comptabilité de l’entreprise, dont les comptes pour l’année 2017 n’ont toujours pas été certifiés par un commissaire aux comptes.

Mise à jour, le 9 juillet : Le syndicat sud commerce annonce que « le comité d’entreprise de New Look a approuvé avec le liquidateur un plan social d’un montant total de 2,5 millions sur les 5,5 millions de trésorerie restants de l’entreprise, le surplus revenant de droit au régime de garantie des salaires (AGS). A ce plan, qui compte six mesures d’accompagnement, vient s’ajouter la prise en charge d’un cabinet de reclassement par le ministère du Travail.» Il salue une victoire et annonce des actions en justice, notamment pour faire reconnaître des « éventuelles fraudes au droit français. »

À lire aussi >> Comment New Look a préparé sa propre faillite et Une souffrance endémique

© Politis
Travail
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« La question du partage du travail fait son retour »
Entretien 20 mars 2024

« La question du partage du travail fait son retour »

Le sondage réalisé par l’Ifop pour Politis révèle qu’une très large majorité de Français seraient favorables à l’instauration de la semaine de 4 jours, à 32 heures payées 35 heures, dans le public comme dans le privé. Décryptage par Chloé Tegny, chargée d’études sénior de l’institut.
Par Michel Soudais
Mort au travail : pour Jemaa, l’interminable recherche de justice
Travail 20 mars 2024 abonné·es

Mort au travail : pour Jemaa, l’interminable recherche de justice

Jemaa Saad Bakouche a perdu son compagnon, victime d’un accident sur un chantier en 2019. Malgré plusieurs manquements soulevés par l’inspection du travail et la justice, le chef d’homicide involontaire n’a pas été retenu par les juges. Elle a décidé de se pourvoir en cassation.
Par Pierre Jequier-Zalc
« La semaine de 4 jours est possible et pleine d’avantages pour tous »
Entretien 20 mars 2024 abonné·es

« La semaine de 4 jours est possible et pleine d’avantages pour tous »

Député européen (Nouvelle Donne), Pierre Larrouturou est engagé depuis plus de trente ans en faveur des 32 heures payées 35. Il explique ici les raisons de cette conviction et répond aux critiques récurrentes contre une telle mesure.
Par Olivier Doubre
La semaine de 32 heures en 4 jours, l’idée que plébiscitent les Français
Enquête 20 mars 2024 abonné·es

La semaine de 32 heures en 4 jours, l’idée que plébiscitent les Français

Derrière la semaine de quatre jours se cachent, en réalité, de nombreux paramètres. Si elle ne s’accompagne pas d’une réduction du temps de travail, tout indique qu’elle s’avérerait une fausse bonne idée.
Par Pierre Jequier-Zalc