ADP : Plébiscite pour le RIP

L’éventail des soutiens au référendum est large et dépasse les clivages politiques. Revue de détail des motivations militantes.

Matthias Hardoy  • 3 juillet 2019 abonné·es
ADP : Plébiscite pour le RIP
© photo : Au nom du service public ou du respect des riverains, les raisons de refuser la privatisation sont nombreuses.crédit : THOMAS SAMSON/AFP

Ceux qui veulent reconstruire la gauche

Après les divisions et les prises de bec, trouver enfin une raison de se parler et, pourquoi pas, poser la première pierre d’une éventuelle union. Voilà ce qui anime une partie des soutiens de gauche au RIP, dont beaucoup sont réunis dans le collectif « Nous signons », créé dans la foulée d’une tribune publiée dans Le Monde (1) à l’initiative du député de La France insoumise (LFI) François Ruffin et de la militante écologiste Claire Nouvian.

À côté de personnalités politiques comme Clémentine Autain (LFI), Guillaume Balas (Génération·s), Esther Benbassa (EELV) ou Olivier Besancenot (NPA), des intellectuels (Dominique Bourg, Laurence De Cock, Alain Badiou…) et des artistes ont également signé l’appel (Annie Ernaux, Pierre-Emmanuel Barré, Lætitia Dosch…).

Gauches politiques, intellectuelles et culturelles retrouvent un combat qui semble de nature à les rapprocher. La tribune le dit bien, par le biais de ce référendum, c’est « la reprise en main de notre destin commun » qui est en jeu pour les signataires, qui espèrent que la lutte s’étendra ensuite « à nos écoles, nos champs, nos hôpitaux, nos tribunaux, nos forêts… ». Une rhétorique très raccord avec les tribunes qui appellent ces temps-ci à un « big bang » et à la « convergence » à gauche. Pas un hasard si on y retrouve les mêmes signataires !

Les souverainistes

Le Figaro a publié il y a peu une tribune de l’essayiste Coralie Delaume et de l’économiste David Cayla, pour qui il faut organiser le référendum car « Aéroports de Paris doit rester propriété de l’État (2) ». Ce duo est aussi à l’origine d’une pétition « Non à la privatisation d’Aéroports de Paris ! », qui a recueilli plus de 300 000 signatures. Si David Cayla est membre des Économistes atterrés, classés à gauche, Coralie Delaume est, elle, une proche de Natacha Polony, avec qui elle défend des idées souverainistes. Elle intervient dans Marianne, mais aussi sur le très droitier Figaro Vox. La reconstruction de la gauche, ce n’est pas son affaire, elle veut défendre « la notion de service public, qui fait partie de l’imaginaire collectif et de l’identité de la France ».

C’est l’argument des partisans de droite du RIP, qui veulent que l’Assemblée nationale crée une « Coordination nationale du référendum », dont le sigle, CNR, fait directement référence au Conseil national de la Résistance, mis en place pendant ­l’Occupation pour préparer la reconstruction de la France et l’instauration de ses services publics. Une alliance qui allait des gaullistes aux communistes.

On retrouve une même diversité idéologique dans certaines structures comme le site d’information referendum-adp.fr, qui reçoit le soutien d’intellectuels allant de la gauche (l’activiste Elliot Lepers, l’historien Patrick Weil) au souverainisme (Coralie Delaume) en passant par le centre (Paul Cassia, professeur de droit à la Sorbonne). Dépasser les clivages pour mieux défendre l’intérêt général, voilà ce que ­prétendent faire de tels attelages.

Les défenseurs de la démocratie participative et numérique

L’association Anticor, qui lutte contre la corruption, ou la Ligue des droits de l’homme (LDH) soutiennent le référendum avant tout comme processus démocratique. Pour la LDH, « cette procédure inédite peut donner un élan pour démocratiser les procédures de décision publique ». Anticor soutient une démarche qui se fonde « sur l’inconstitutionnalité de la vente d’ADP, qui, d’après la loi, ne peut se faire sans référendum ».

À partir du moment où les premières difficultés sont apparues sur la peu maniable plateforme mise en place par le ministère de l’Intérieur (voir page précédente), de nouveaux soutiens venus du numérique ont émergé. La Quadrature du Net, association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, est par exemple montée au créneau par la voix de l’un de ses fondateurs, Benjamin Sonntag, pour dénoncer le manque de transparence d’un processus complexe qui rend difficiles la signature et, surtout, l’accès au nombre de signataires. Ce qui va à l’encontre du droit à « l’information du citoyen-internaute » que défend ardemment cette association.

Les principaux concernés, employés et riverains

On en oublierait presque ceux qui sont touchés au plus près par la question, les salariés d’ADP et leurs représentants. Pas de front syndical pour le RIP, même si tous les syndicats de l’entreprise sont fortement opposés à la privatisation. La CGT et le CFE-CGC soutiennent et se mobilisent pour le référendum, tandis que FO est « contre son principe » et que la CFDT ne veut « pas se mêler aux politiques » sur ce dossier.

Du côté des associations contre les nuisances sonores dues aux avions, on est pour le référendum. L’Association de défense contre les nuisances aériennes, plus grande association sur le sujet, soutient activement le référendum sur ADP. En effet, s’il y a privatisation, l’association « craint, avec une exploitation maximale de l’aéroport, de perdre les quelques acquis obtenus de haute lutte pour sauvegarder la santé et le cadre de vie des riverains ».


(1) « Une bataille est engagée, nous signons et nous ferons signer », Le Monde, 11 juin.

(2) Le Figaro, 18 juin.

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