« So Long, My Son », de Wang Xiaoshuai : Vide famille

Dans So Long, My Son, Wang Xiaoshuai raconte le destin mélodramatique d’un couple d’ouvriers sur quarante ans d’histoire chinoise.

Christophe Kantcheff  • 2 juillet 2019 abonné·es
« So Long, My Son », de Wang Xiaoshuai : Vide famille
© crédit photo : ad vitam distribution

Wang Xiaoshuai aime à se retourner sur le passé de son pays. Étant donné les remous de l’histoire chinoise, son regard n’est pas nostalgique. Dans Shanghai Dreams (2004), qui se déroule dans les années 1960, comme dans 11 Fleurs (2011), au cœur de la Révolution culturelle, la situation historique permet des tensions dramatiques. C’est plus encore le cas avec ce nouveau film, So Long, My Son (« Adieu, mon fils »), qui déploie une ligne franchement mélodramatique.

Nous sommes au début des années 1980, quand le régime, redoutant la surpopulation, a instauré la politique de l’enfant unique. Liyun (Yong Mei) et Yaojun (Wang Jing-chun) vivent heureux avec leur fils d’une douzaine d’années. Mais dès les premiers plans, qui s’attardent sur les gamins en train de jouer dans un endroit dangereux, le spectateur sait qu’un malheur va arriver.

Quelques séquences après la mort accidentelle de leur fils, Liyun et Yaojun ont chez eux un adolescent qui porte le même prénom que leur fils, Xing. Le garçon est en rébellion permanente contre les deux adultes, dont on comprend qu’ils l’ont adopté. L’adolescent finira par prendre la tangente. La peine des parents adoptifs, vu leur antécédent, est d’autant plus lourde.

Wang Xiaoshui a choisi de bousculer la chronologie au profit de l’émotion. L’adoption de Xing suit de plusieurs années la disparition du fils, mais le cinéaste fait en sorte de les mettre quasi instantanément en regard. Il en est ainsi de toute la trame narrative, nourrie d’allers et retours entre présent et passé (ce passé n’étant pas toujours le même), montés cut et sans avertissement. L’idée est de montrer quelles épreuves ont dû surmonter Liyun et Yaojun. Des épreuves dont l’une des plus importantes est dictée par l’interdiction d’avoir un deuxième enfant. Ce qui n’empêche pas Liyun d’avoir été enceinte une seconde fois. Mais l’oppression idéologique est à l’œuvre et peut s’exprimer à travers des personnes proches, ivres d’un pouvoir mortifère. Dans cette confrontation des époques, un repère tout de même : au présent, le couple habite dans une bicoque sur un port, avec un petit atelier mécanique, loin de la ville de leur jeunesse. Ces deux lieux imposent leur contraste à l’écran et sont particulièrement bien exploités par le cinéaste. Ils symbolisent des changements de vie, notamment celui d’avoir été ouvriers dans une grande entreprise nationale, puis licenciés, et d’avoir été amenés ensuite à chercher des petits boulots de main-d’œuvre sur les quais.

Wang Xiaoshui montre aussi Liyun et Yaojun revenant, le temps d’un séjour, dans leur cité ouvrière désormais à l’abandon, où ils vivent une scène parmi les plus bouleversantes. Ainsi, même si So Long, My Son reste relativement conventionnel dans sa facture de saga familiale, le film touche par ce qu’il montre du destin de deux personnages du peuple, interprétés par deux comédiens extraordinaires, justement récompensés au Festival de Berlin cette année.

So Long, My Son, Wang Xiaoshui, 3 h 05.

Cinéma
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