Tous disent assez : Khaled Dehgane, 47 ans, Gilet jaune, travailleur handicapé au chômage, Annecy

« Depuis des années, nous subissons la précarisation de nos vies. Je trouve extraordinaire le sursaut de dignité qu’il y a eu cette année. »

Nadia Sweeny  • 4 décembre 2019 abonné·es
Tous disent assez : Khaled Dehgane, 47 ans, Gilet jaune, travailleur handicapé au chômage, Annecy
© DR

Après avoir longtemps enchaîné les petits boulots, il décide d’arrêter. « J’ai voulu à un moment m’extraire du système libéral. Au début, c’était une sorte de choix. Et puis j’ai eu un accident de la vie… Avec mon handicap, je n’ai plus eu le choix. » Khaled se consacre aujourd’hui à l’animation d’ateliers de récup à l’Ecrevis – Espace commun de rencontres extraordinaires vecteur d’idées à suivre –, lieu alternatif au cœur d’Annecy. « L’Ecrevis, c’est du partage, nous recréons des liens, explique-t-il. C’est ce qui se passe sur les ronds-points… »

Depuis un an, dès qu’il le peut, Khaled porte aussi le gilet jaune. « Je me mobilise pour le pouvoir d’achat, que j’appelle le pouvoir d’agir, parce que tout ça est une question de dignité. Depuis des années, nous subissons la précarisation de nos vies. Que ce soit par les taxes, la baisse des revenus, l’augmentation du prix de la vie… Je trouve extraordinaire le sursaut de dignité qu’il y a eu cette année. » Sa revendication : « 500 euros de plus par mois et par personne, sans conditions, lâche-t-il. Moi je suis au chômage, je touche l’allocation handicapé, soit 900 euros par mois. Alors… on apprend à vivre avec beaucoup d’angoisse et de stress. Il y a des enveloppes qu’on n’ouvre pas, parce qu’on sait déjà ce qu’il y a dedans : des factures. »

Le 5, Khaled sera dans la rue. Suite de la mobilisation des gilets jaunes : « Aucune réponse n’a été apportée, déplore-t-il. Avec cette réforme des retraites, c’est un pilier de la protection sociale française qui est attaqué. On va basculer dans une autre forme de société, avec un fonctionnement individualiste. Demain, il n’y aura plus du tout de solidarité. Je ne veux pas ça pour mes enfants. »

Économie Travail
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