Dans une branche de la SNCF, une salariée lance l’alerte et risque une sanction

Une syndicaliste de Sferis, branche de la SNCF spécialisée dans les travaux ferroviaires, risque une sanction pour avoir alerté la direction et l’inspection du travail sur le malaise de ses collègues. Les syndicats dénoncent une répression.

Erwan Manac'h  • 27 février 2020
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Dans une branche de la SNCF, une salariée lance l’alerte et risque une sanction
© Photo : devant le siège de Sferis. (EM).

Elle s’était promise de « décrocher », épuisée par deux années de combat syndical éprouvant. Mais cette ancienne élue du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui n’avait plus gardé depuis le mois d’octobre que la casquette de représentante syndicale  « pour se protéger », se sentait rattrapée par le poids de la responsabilité. « J’étais sollicité par des collègues, parce que nous sommes très peu à nous battre pour leurs problèmes et que rien ne change, raconte cette salariée de la direction de Sferis, membre de la CGT. J’avais un cas de conscience, fermer les yeux et ne rien dire ou prendre le risque de lancer l’alerte. C’était une vraie souffrance ».

Sferis, filiale à 100 % de la SNCF, est une entreprise spécialisée dans les travaux ferroviaires fondée en 2012. Elle embauche un millier de personnes (sur la convention collective du BTP) pour travailler partout en France comme sous-traitante de la SNCF. Sa politique managériale a été plusieurs fois épinglée par l’inspection ou la médecine du travail et Politis dévoilait en 2018 les nombreux signaux d’alerte entourant sa direction des ressources humaines, ainsi que les conditions de logement et de travail dégradées sur certains chantiers.

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Selon plusieurs témoignages, la situation ne s’est pas améliorée depuis. C’est d’ailleurs ce qui a poussé l’ancienne élue au CHSCT à envoyer, le 10 février, un mail groupé à l’inspection du travail, plusieurs membres du comité de direction, la médecine du travail et l’Organisme de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPBTP) qui sensibilise les employeurs du BTP sur les conditions de travail. Elle alertait, documents à l’appui, sur le malaise persistant d’une partie de ses collègues. La salariée espérait notamment que soit enfin conduite l’évaluation des « risques psychosociaux », démarche légale jamais achevée chez Sferis, malgré un rappel de l’inspection du travail en 2018. Elle avait déjà tenté à deux reprises de saisir le service Éthique et déontologie de la SNCF, sans succès.

En guise de réponse, la syndicaliste était convoquée le 24 février pour un entretien préalable à sanction. Sa direction lui reproche l’envoi de documents confidentiels lors de son alerte. Des témoignages recueillis lors des travaux du CHSCT auraient notamment dû être détruits, juge la direction dans ses récriminations.

Une trentaine de syndicalistes cheminots étaient présents lundi soir devant le siège de l’entreprise pour l’épauler et dénoncer « la situation de détresse de certains salariés, [qui devient] insupportable ». Selon eux, quatre représentants syndicaux ont fait l’objet de sanctions ces trois dernières années.

« Force est de constater que la boîte n’a rien mis en œuvre pour changer les choses », dénonce Luis Da Silva, de la CGT cheminots de la Gare du nord. « Ces méthodes, dans une filiale à 100 % de la SNCF, montrent quel modèle ils veulent développer à l’ensemble de la SNCF. Nous serons là pour nous opposer à cette politique de management mortifère », abonde Mathieu Borie, de Sud rail.

La salariée reçue en entretien préalable sera notifiée sous un mois d’une éventuelle sanction. Contactée ce 25 février, la direction de Sferis affirme que « les dispositions concernant la veille et la prise en charge des risques psychosociaux sont en cours de déploiement » et se refuse à commenter une affaire « en cours d’instruction ».

Économie
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