Et vous, comment vous travaillez pendant la crise ?

La CGT-Ugict (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens) a lancé, lundi 6 avril, une enquête d’envergure nationale sur les conditions de travail pendant la période épidémique.

Nadia Sweeny  • 10 avril 2020
Partager :
Et vous, comment vous travaillez pendant la crise ?
© Photo : Mehdi Taamallah / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Hébergée sur luttevirale.fr – un site lancé par la CGT pour fédérer les luttes contre les problèmes de sécurité des travailleurs –, l’enquête nationale sur les conditions de travail en période épidémique se veut une réponse au flou gouvernemental : « Qui croire, le gouvernement qui dit “restez chez vous” ou celui qui dit “allez travailler” ? Comment faire face à ces injonctions contradictoires ? Comment travaille-t-on, ou pas, depuis le début du confinement ? Sur ces sujets vitaux, personne ne dispose d’une vue globale », peut-on lire en introduction de l’enquête. Alors la CGT est déterminée à en donner une.

L’objectif est clair : rendre compte de la réalité des travailleurs en période épidémique et pourquoi pas, dans le futur, « peser pour renforcer le poids des travailleurs et travailleuses dans les décisions publiques à venir », peut-on lire, cette fois-ci sur le site de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens.

Méthode scientifique

« Nous voulons voir le changement induit par la situation sur les conditions de travail, les horaires, la charge de travail et comprendre les modifications par rapport aux habitudes pré-crise », explique un statisticien CGT de la Dares, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques.

Plusieurs militants, professionnels des statistiques ont mis à profit leurs compétences pour mettre sur pied cette enquête de valeur scientifique. « Nous avons repris les méthodes des grandes enquêtes historiques et scientifiques afin d’établir des données comparables et fournir une base de travail exploitable pour la recherche, mais aussi pour les militants : les CE d’entreprise pourront s’appuyer dessus pour se situer », reprend le statisticien.

D’autant plus important que personne d’autre ne pourra fournir de telles données, pas même dans le secteur public. « L’Insee ne peut pas lancer une telle enquête dans les conditions actuelles, défend le statisticien. Cela obligerait les enquêteurs à se rendre dans les foyers voire sur les lieux de travail et à multiplier les risques. » Mais, de son côté, le ministère du travail s’en désintéresse : « Ils récupèrent plutôt des chiffres auprès des employeurs, c’est comme ça qu’ils évaluent le nombre de personnes au chômage partiel, le besoin de main-d’œuvre, la sécurité, etc. ». La focale officielle étant clairement dirigée sur l’employabilité.

Au-delà du confinement

Lancée au début de la troisième semaine de confinement, cette enquête totalement anonyme, recouvre toutes les situations qu’un travailleur peut rencontrer actuellement : avec ou sans emploi, en télétravail ou en chômage partiel, en garde d’enfant ou obligé de se rendre sur son lieu de travail, etc. En fonction des réponses, d’autres questions spécifiques apparaissent. « Nous avons tenus à renseigner la diversité des situations, mais aussi à élargir un peu. » Des questions sur les tensions dans le foyer ou sur l’état psychologique de la personne – présence d’anxiété ou peur de perdre son travail – sont aussi présentes.

Plus encore, les statisticiens ont cherché à faire émerger ce que le salarié évalue d’essentiel dans son travail. Une question particulièrement importante à l’heure où le gouvernement maintient le flou sur cette définition, ce qui lui permet de ne pas limiter l’activité des entreprises. « Quelle est la part de votre activité habituelle que vous estimez essentielle pour le pays en période de crise sanitaire ? » demande clairement la CGT aux salariés. Pour le statisticien de la Dares, « ces questions permettent non seulement de déterminer les secteurs essentiels, mais, en plus, de mener la réflexion sur le sens du travail ».

Pour participez à l’enquête : https://luttevirale.fr/enquete/

Travail Santé
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« La question du partage du travail fait son retour »
Entretien 20 mars 2024

« La question du partage du travail fait son retour »

Le sondage réalisé par l’Ifop pour Politis révèle qu’une très large majorité de Français seraient favorables à l’instauration de la semaine de 4 jours, à 32 heures payées 35 heures, dans le public comme dans le privé. Décryptage par Chloé Tegny, chargée d’études sénior de l’institut.
Par Michel Soudais
Mort au travail : pour Jemaa, l’interminable recherche de justice
Travail 20 mars 2024 abonné·es

Mort au travail : pour Jemaa, l’interminable recherche de justice

Jemaa Saad Bakouche a perdu son compagnon, victime d’un accident sur un chantier en 2019. Malgré plusieurs manquements soulevés par l’inspection du travail et la justice, le chef d’homicide involontaire n’a pas été retenu par les juges. Elle a décidé de se pourvoir en cassation.
Par Pierre Jequier-Zalc
« La semaine de 4 jours est possible et pleine d’avantages pour tous »
Entretien 20 mars 2024 abonné·es

« La semaine de 4 jours est possible et pleine d’avantages pour tous »

Député européen (Nouvelle Donne), Pierre Larrouturou est engagé depuis plus de trente ans en faveur des 32 heures payées 35. Il explique ici les raisons de cette conviction et répond aux critiques récurrentes contre une telle mesure.
Par Olivier Doubre
La semaine de 32 heures en 4 jours, l’idée que plébiscitent les Français
Enquête 20 mars 2024 abonné·es

La semaine de 32 heures en 4 jours, l’idée que plébiscitent les Français

Derrière la semaine de quatre jours se cachent, en réalité, de nombreux paramètres. Si elle ne s’accompagne pas d’une réduction du temps de travail, tout indique qu’elle s’avérerait une fausse bonne idée.
Par Pierre Jequier-Zalc