Sun Ra Arkestra : Fanfare cosmique

Un nouvel album du Sun Ra Arkestra rappelle l’inventivité de cette figure mythique du jazz.

Jacques Vincent  • 14 octobre 2020 abonné·es
Sun Ra Arkestra : Fanfare cosmique
© Alexis Mar

Du haut de ses 96 ans, le saxophoniste alto Marshall Allen continue de présider aux destinées du Sun Ra Arkestra, qu’il a rejoint en 1956, et dont il est devenu le légataire à la disparition du leader radieux en 1993.

Pour ce nouvel album, le premier depuis vingt ans, l’Arkestra a puisé dans l’immense discographie de Sun Ra, qui compte environ 200 albums enregistrés entre 1956 et 1993 et impressionne aussi par la variété de formes d’une musique irréductible à un genre particulier. Free-jazz bien sûr, mais en prenant le concept de liberté avant tout comme celle de se permettre toutes les expressions.

Le projet de Sun Ra se situait de toute manière très au-delà de ce genre de considération. Il l’exposait ainsi, en substance, à Philippe Carles dans le numéro de Jazz Magazine de décembre 1973 : créer une musique des sphères et, pour ce faire, apporter à la Terre, cette planète morte, les vibrations dont la perte rend impossibles les vibrations harmoniques avec les autres planètes.

La recherche de ces vibrations passera, en particulier, par un travail sur les sons, ceux que le musicien tire de ses claviers, piano électrique, orgue, moog, synthétiseur, adoptés au gré des évolutions technologiques, et une façon de mélanger ceux des cuivres, très majoritaires depuis toujours, de les agréger, presque les compresser jusqu’à obtenir une matière organique extrêmement vivante qui sonne parfois comme un grand bastringue agité.

En évitant les compositions les plus âpres par leur minimalisme comme les assauts soniques les plus aigus et intenses, Swirling propose des réinterprétations de compositions d’époques très diverses, de « Sunology » sur l’album Supersonic Jazz en 1956 à « Seductive Fantasy », un titre de l’album On Jupiter de 1979, en passant par « Rocket No. 9 », figurant sur Space Is The Place en 1972.

On trouve en particulier ces longues plages qui avancent comme de lentes et envoûtantes processions menées par une fanfare cosmique et basées sur une phrase répétée du début à la fin par le saxophone baryton ou la clarinette basse, ce bourdonnement constituant un socle à partir duquel les autres cuivres peuvent lâcher la bride à toute leur énergie. S’ajoutent les compositions ponctuées par les voix très présentes sur cette sélection, les sonorités qui viennent fréquemment rappeler l’inspiration spatiale, et même une séquence swing des plus classiques. Ce qui fait aussi de Swirling une porte d’entrée pour une découverte de l’univers de Sun Ra.

Swirling, Sun Ra Arkestra, Strut Records/I See Colors.

Musique
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