Un présent qui ne passe pas

Macron porte sur les territoires métropolitains d’outre-périphérique le même regard suintant que sur « les outre-mer ».

Sébastien Fontenelle  • 7 octobre 2020 abonné·es
Un présent qui ne passe pas
© Lewis Joly / POOL / AFP

L’autre jour – c’était le dimanche 27 septembre –, Emmanuel Macron, chef de l’État français, s’est fâché tout rouge contre une lointaine peuplade. « J’ai honte » pour les dirigeants libanais, a-t-il lancé sur un ton que le journal Le Monde, qui semble n’avoir pas été le moins du monde heurté par cette diatribe, a qualifié de « grave et tendu ».

Découvrant cela, je me suis dit que le pauvre homme, fatigué peut-être par le constat qu’il échoue depuis de très longs mois (et au rebours des rodomontades printanières – puis estivales – où il promettait qu’il gagnerait cette « guerre ») à contenir l’épidémie de Covid-19, qui continue de décimer sa propre population, s’était passagèrement désorienté et se croyait revenu au temps des dominions. Mais ne désespérons pas, ai-je pensé : il se peut, après tout, que ses conseillers le ramènent un peu vitement à la réalité.

Las, ce n’est pas ce qui s’est passé.

Au lieu de ça, quelques jours plus tard, le vendredi 2 octobre, le même Emmanuel Macron a prononcé ce que l’Élysée et ses journalistes d’accompagnement – qui ont acclamé cette harangue – ont présenté mensongèrement comme un « discours sur le thème de la lutte contre les séparatismes », alors qu’il s’agissait d’une entreprise délibérée – encore une – de stigmatisation de la seule religion musulmane.

Dans le cours de cette péroraison, il a (notamment) déclaré : « Nous sommes un pays qui a un passé colonial. » Sous-entendu : le colonialisme français est de l’histoire ancienne et complètement révolue, nous ne mangeons plus de ce pain-là, alors ne venez pas me mordiller le richelieu en veau box noir avec votre « discours postcolonial ou anticolonial », s’il vous plaît – sinon papa va encore se fâcher, tas de sauvageons.

Puis, quelques (nouveaux) jours plus tard, le dimanche 4 octobre, Emmanuel Macron a déclaré, avec des trémolos dans la voix, qu’il accueillait avec une profonde « reconnaissance » la – courte (1) – victoire du non au « second vote sur l’accession à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie », colonie française du Pacifique Sud.

Car dans la vraie vie, bien sûr (qui là comme ailleurs ne présente aucune espèce de ressemblance, fût-elle très lointaine, avec les représentations que le macronisme, cet orwellisme sadique, fabrique à la chaîne depuis trois ans), le colonialisme hexagonal, loin d’appartenir au « passé », reste un présent qui ne passe pas – et que le chef de l’État français, qui porte sur les territoires métropolitains d’outre-périphérique et leurs prétendus « séparatismes » le même regard suintant que sur ce qu’il est si pudiquement convenu d’appeler « les outre-mer », entend évidemment garder dans son giron, car il est, à l’image de 90 % de la classe politique de ce pays, profondément pétri de ce qu’il faut bien (et plus que jamais) appeler une mentalité coloniale.

(1) Et cela du moins, qui augure bien de la suite, fait une un peu bonne nouvelle, dans une époque où elles se font cruellement rares.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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