Festival Variations : Haut de gamme

Centré sur les pianos et autres instruments à claviers, le très stimulant festival Variations propose sa 5e édition, entièrement en ligne.

Jérôme Provençal  • 17 mars 2021 abonné·es
Festival Variations : Haut de gamme
Respectivement DJ et percussionniste classique, Chloé et Vassilena Serafimova développent un langage hybride sophistiqué.
© Hana Ofangel

Événement organisé conjointement par le Lieu unique – vaste centre culturel pluridisciplinaire – et la Fondation BNP Paribas, le festival nantais Variations (créé en 2017) compte parmi les manifestations musicales les plus originales de France. Il se distingue d’abord par le choix de se focaliser sur les pianos et autres instruments à claviers (synthétiseurs, orgues, vibraphones, clavecins, accordéons, etc.) en explorant des univers très différents – de la musique (néo-)classique à la plus expérimentale en passant par le jazz, l’électronique, la musique contemporaine ou encore les musiques traditionnelles (revisitées, de préférence).

Si le programme comprend surtout des concerts, il inclut aussi des pièces de théâtre ou de danse/performance mettant en scène des claviers. L’inscription dans la ville constitue une autre spécificité marquante de Variations. Situé principalement au Lieu unique, le festival se déplace à travers Nantes, dans des espaces (chapelles, opéra, salles alternatives…) et des formats très variés.

Ayant été reportée de fin mars à fin octobre, l’édition 2020 a pu avoir lieu – en mode très réduit – in situ et in extremis, juste avant l’entrée en vigueur du deuxième confinement national. Au regard de l’incertitude persistante causée par la pandémie de Covid-19 dans le domaine -culturel, les -organisateurs ont choisi de maintenir l’édition 2021 aux dates prévues (20-28 mars) en la transposant sur Internet.

Une quinzaine de concerts (certains diffusés en direct, d’autres filmés préalablement) et une pièce de théâtre composent la partition de cette édition spéciale de Variations. Le tout est visible gratuitement via la chaîne YouTube du Lieu unique. Stars de la musique classique s’aventurant volontiers dans le champ de la modernité, Katia et Marielle Labèque sont de la partie. Les célèbres sœurs jouent ici une suite pour deux pianos adaptée de l’opéra de Philip Glass Les Enfants terribles (d’après le roman de Jean Cocteau), suite dont elles ont gravé récemment une interprétation sur disque.

Contributeur du minimalisme américain (au moins) aussi important que Philip Glass, Steve Reich se trouve quant à lui mis à l’honneur avec Drumming. Composée au tout début des années 1970 et fortement influencée par les musiques africaines, cette ensorcelante pièce percussive se déploie durant environ une heure à partir d’un unique motif rythmique de huit notes, répété du début à la fin en suivant un processus minutieux de variations et de décalages. Très familier de l’œuvre de Reich, l’ensemble français Links – qui compte plusieurs percussionnistes dans ses rangs – fait résonner Drumming dans un dispositif scénique atypique et s’attache à en accroître le pouvoir hypnotique.

Un autre protagoniste essentiel de la musique moderne apparaît dans le programme en la personne de Brian Eno, explorateur invétéré de l’espace sonore. On lui doit en particulier l’invention dans les années 1970-1980 de l’ambient, style minimal et planant, via une série d’albums fondateurs. S’emparant du premier de ces albums, Music for Airports (1978), l’ensemble Social Silence en livre une version inédite qui conjugue intimement machines et instruments.

Au confluent de l’électronique et de l’acoustique opère également le duo formé par Chloé et Vassilena Serafimova. DJ et productrice, la première compte parmi les grandes figures féminines de l’électro tandis que la seconde est une remarquable percussionniste classique, virtuose du marimba (sorte de xylophone). Ensemble, elles développent un langage hybride très sophistiqué aux (per)mutations fascinantes – à découvrir bientôt aussi sur leur premier album, Sequenza, qui doit paraître en juin.

De son côté, le musicien et chanteur Bachar Mar-Khalifé – dont le piano est l’instrument fétiche – oscille très librement entre jazz contemporain, électro, musique libanaise et chanson française. Apparu en 2010, il compte déjà cinq superbes albums à son actif, le dernier en date (On/Off) étant sorti durant l’automne 2020. Il propose ici un récital solo intimiste.

En sus de ce survol sélectif des concerts, signalons Four For, spectacle de Halory Goerger en méditation libre autour de quatre individualités majeures de la musique moderne (Morton Feldman, John Cage, Éliane Radigue et Cornelius Cardew) : un insolite objet scénique, aussi captivant pour l’œil que pour l’oreille.

Variations, en ligne,20 au 28 mars, festival-variations.fr

Musique
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