La Convention climat, une occasion manquée

La loi climat et résilience a vidé les propositions des « 150 » de leur substance.

Hélène Tordjman  • 10 mars 2021
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La Convention climat, une occasion manquée
Réunion de la Convention citoyenne pour le climat, le 20 juillet 2020 à Matignon.
© Xosé Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a réuni pendant un an des citoyens tirés au sort pour formuler des propositions permettant de tenir les objectifs d’émissions de gaz à effet de serre de l’accord de Paris. Cette expérience de démocratie participative est sans précédent en France, le président Macron ayant promis de présenter ses propositions au débat public « sans filtre ». Les diverses conventions antérieures n’avaient qu’un rôle consultatif. « Les 150 » ont accompli un travail sérieux et articulé, visant à infléchir la trajectoire de notre société. Ils y parlent en effet souvent de sobriété, en matière de consommation (notamment énergétique) et d’usages numériques. Autrement dit, ils proposent de « consommer moins mais mieux », ce que d’aucuns qualifieraient de décroissance.

Leur ambition n’est cependant pas aussi radicale, car il y manque une vision véritablement systémique des rapports de production dans un régime capitaliste. En témoigne le plan du rapport final : « consommer », « se déplacer », « se loger », « se nourrir », « produire et travailler », « gouvernance » : un tel découpage ne permet pas d’embrasser la dimension structurelle de la question. On ne peut toutefois pas vraiment leur en faire grief, dans la mesure où aucun des experts consultés tout au long de la convention ne risquait de porter un tel discours. Malgré cette limitation,certaines propositions de la CCC étaient de nature à permettre d’amorcer un virage. La loi climat et résilience, censée traduire les résultats des travaux de la convention, n’a pas repris les propositions fortes ou les a vidées de leur substance.

« Les 150 » ont ainsi proposé de lutter contre la surexposition publicitaire, cause de surconsommation, en l’interdisant pour tous les produits polluants, la limitant dans tous les espaces publics, et en proscrivant les panneaux numériques. Traduction dans la loi climat et résilience ? Les maires auront le pouvoir de contrôler la publicité dans les vitrines, mais rien sur les espaces publics, pourtant saturés, et la publicité pour les énergies fossiles sera désormais interdite… alors que cela fait longtemps qu’on ne voit plus de pub vantant les bienfaits du fuel ou du charbon.

Concernant l’agriculture, la CCC visait à parvenir en 2030 à 50 % des surfaces cultivées en agroécologie et à une interdiction totale des pesticides, en utilisant pour cela le levier de la politique agricole commune. Dans la loi climat et résilience, une seule mesure, bien faible : faire baisser de 13 % les émissions d’ammoniac (dues aux engrais azotés de synthèse) en 2030 par rapport à leur niveau de 2005.

Enfin, la CCC demandait un moratoire sur la 5G, qui a été refusé d’emblée. Ne pas passer à la 5G empêcherait le développement des objets connectés, de l’Internet des objets, et aurait donc un effet structurel sur l’organisation de la production. Le gouvernement n’est clairement pas pour la sobriété numérique.

Différentes institutions ont prévenu que cette loi ne permettrait pas à la France de tenir les engagements pris à l’occasion de la COP 21. « Les 150 » se sentent trahis, mais la ministre de l’Écologie est contente… 

Par Hélène Tordjman Maîtresse de conférences à l’université Paris-XIII.

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