« The Dissident », de Bryan Fogel : Le prince de sang

Dans The Dissident, Bryan Fogel enquête sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Christophe Kantcheff  • 24 mars 2021 abonné·es
« The Dissident », de Bryan Fogel : Le prince de sang
© Dark Starw

Qu’est-ce qu’un « documentaire choc » ? Un film qui reprend toutes les ficelles hollywoodiennes de mise en scène du récit, avec musique emphatique jusqu’à plus soif, effets spéciaux, contrôle calibré des émotions et sensationnalisme des informations données. Tel est The Dissident, « documentaire choc » de Bryan Fogel, qui avait reçu en 2018 un Oscar pour Icare, un film sur le dopage dans le sport en Russie, shooté lui aussi à la spectacularisation.

The Dissident porte sur le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, survenu le 2 octobre 2018 à Istanbul, dans l’enceinte du consulat de son pays, l’Arabie saoudite. Bryan Fogel s’appuie en grande partie sur la transcription des enregistrements clandestins réalisés par les services turcs à l’intérieur du consulat, qui contiennent le moment du meurtre du journaliste. Un assassinat d’une cruauté inouïe, dont le réalisateur ne nous passe aucun détail à travers le récit d’un responsable de la sécurité turque.

Au gré de nombreux témoignages, Bryan Fogel se livre à une enquête sur les vrais responsables du meurtre. Sans surprise, il remonte jusqu’à la tête de la monarchie saoudienne, en la personne du prince Mohammed Ben Salmane, fils du roi et homme fort du régime, -commanditaire de la disparition du journaliste. Les faits sont bien connus aujourd’hui ; outre de nombreux articles de presse, un documentaire diffusé sur Arte le 18 février sur le même sujet aboutissait à cette conclusion.

La bande-annonce proclame pourtant avec ostentation : « Toute la vérité révélée ». En fait, The Dissident avance une hypothèse sur le motif du meurtre : Khashoggi a participé au financement d’activités de contre–propagande numérique organisées par un Saoudien exilé politique au Canada. Le journaliste ayant été longtemps proche du pouvoir, ce fait aurait été considéré comme une traîtrise d’État valant la mort. Une hypothèse vraisemblable. Cependant, Jamal Khashoggi, dans ses articles pour le Washington Post et ses diverses interventions très critiques envers le régime saoudien, avait sans cesse fait reculer les limites de la liberté d’expression, ce qui pouvait suffire à la monarchie pour décider de le supprimer.

Reste le témoignage de Hatice Cengiz, avec laquelle Khashoggi devait se marier, une citoyenne turque, d’où sa présence à Istanbul alors qu’il vivait aux États-Unis. Une femme d’une grande dignité, qui a désormais voué sa vie au valeureux combat pour obtenir justice du meurtre de son amoureux.

Cinéma
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