« Solo », d’Artemio Benki : Concerto en seul majeur

Le beau documentaire Solo, d’Artemio Benki, est centré sur un pianiste argentin sujet à des troubles psychiatriques

Jérôme Provençal  • 29 juin 2021 abonné·es
« Solo », d’Artemio Benki : Concerto en seul majeur
© Nour Films

Documentariste français, également producteur et distributeur, Artemio Benki – qui vivait à Prague depuis les années 1990 – est mort en avril 2020, à l’âge de 53 ans. Présenté au festival de Cannes 2019, dans la toujours stimulante sélection de l’Acid, son ultime long métrage en tant que réalisateur, Solo, sort seulement maintenant en salle.

Le film prend d’abord pour cadre El Borda, vaste hôpital psychiatrique de Buenos Aires (le plus grand d’Argentine), qui s’étend sur 20 hectares. À l’intérieur de cette ville dans la ville, Artemio Benki se concentre en particulier sur Martín Perino, un homme dans la trentaine, à la stature imposante et au visage placide, orné de fines lunettes rectangulaires. Pianiste et compositeur, celui-ci a demandé à être interné à la suite d’une dépression dont il a été victime durant la conception de sa première œuvre musicale. Diagnostiqué schizophrène paranoïaque, il va rester près de quatre ans à El Borda.

Filmant la fin de son séjour dans l’institution psychiatrique jusqu’à son lent et difficile retour à la vie en société, à l’extérieur, Artemio Benki suit cet homme en pleine reconstruction, taraudé par les affres de la création, pour qui la musique revêt une importance vitale. Entre les murs d’El Borda, celui-ci joue du piano lors de petites fêtes ou travaille à la composition d’une ambitieuse nouvelle œuvre, intitulée Enfermaria, en binôme avec une jeune danseuse et chorégraphe.

Dans la seconde partie du film, sorti de l’hôpital, Martín Perino se retrouve seul dans une grande maison familiale laissée un peu à l’abandon. N’ayant plus de piano à sa disposition et peinant à revenir dans le circuit musical, il déclare alors : « Je veux jouer du piano, c’est une nécessité physiologique. » À cette phrase fait écho, un peu plus tard, un plan qui le montre en train de tapoter fébrilement de ses doigts le sol d’un jardin comme s’il s’agissait d’un clavier…

On perçoit vite qu’une relation de grande confiance s’est nouée entre Artemio Benki et les personnes qu’il filme, à commencer par Martín Perino, bien sûr. Attentif sans être intrusif, toujours à bonne distance, le cinéaste – que l’on n’entend ni ne voit jamais – fait preuve de beaucoup de tact. Sobre et sensible, le portrait très touchant qu’il offre du musicien invite en filigrane à méditer sur la normalité (notion si vague et pourtant si coercitive) et sur l’irrémédiable solitude des artistes.

Solo, Artemio Benki, 1 h 25.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes