« Une histoire à soi », d’Amandine Gay : Le mystère des origines

Dans Une histoire à soi , Amandine Gay donne à voir et à entendre cinq récits de vie de personnes adoptées en France issues de pays lointains.

Christophe Kantcheff  • 22 juin 2021 abonné·es
« Une histoire à soi », d’Amandine Gay : Le mystère des origines
Nicolas (au centre), venu du Rwanda, entouré de sa famille.
© les films du losange

Activiste et universitaire, Amandine Gay a signé en 2017 un premier long métrage, Ouvrir la voix, où elle donnait la parole à une vingtaine de femmes afro–descendantes. Le suivant, Une histoire à soi, aborde une question qui la concerne aussi personnellement, étant née sous X : l’adoption. Mais, en l’occurrence, elle s’est intéressée à l’adoption internationale, à travers cinq personnes de provenance lointaine. Mathieu, ou Matheus, vient du Brésil ; Justine, ou Joohee, de Corée ; Nicolas, ou Niyongira, du Rwanda ; Céline, ou Chandralatha, du Sri Lanka ; et Anne-Charlotte a un père australien. Les quatre premiers ont vu leur prénom francisé par leurs parents adoptifs.

La documentariste a pris le parti de ne montrer ses « personnages » qu’à travers des photos et des vidéos de famille, pendant qu’en voix off ceux-ci relatent leur parcours, ce qu’ils en savent ou pas. On entre ainsi immédiatement dans leur intimité et leurs questionnements. Si leurs histoires sont différentes, elles suivent une sorte d’arc commun : d’où un propos cohérent, qui résonne d’autant plus fort.

Celui-ci est sans ambiguïté : il remet en cause les modalités de l’adoption internationale, voire celle-ci en elle-même. La dénonciation n’est pas frontale, mais s’impose petit à petit à l’écoute des intervenants. D’autant que l’intégration dans les familles adoptives s’est faite au mieux, celles-ci ne tarissant pas d’amour pour ces nouveaux arrivants. Au départ, tous ont l’idée qu’ils ont été sauvés de la misère, voire de la mort. Ce qui ne se révélera pas toujours exact. Les choses se gâtent quand ces enfants grandissent et leur curiosité s’accroît.

La culture du secret, nourrie par la société et les instances décideuses en matière d’adoption, est à l’origine de la plupart des problèmes, à quoi s’ajoute le sentiment de fragilité ou d’exclusivité des parents adoptifs. Les adoptés ne sont pas soutenus par leurs proches dans leurs recherches, qui leur sont devenues nécessaires, de leur famille de naissance. En visite dans leur pays de départ, ils n’en ont aucune culture, même s’ils sont saisis par un sentiment de familiarité. Le film s’achève tout de même sur une note positive : les parents adoptifs de Matheus ont noué sans son entremise des liens avec ses parents de naissance. Ils ont su tout mettre en partage, y compris leurs propres personnes.

Une histoire à soi, Amandine Gay, 1 h 40.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes