Tribe From the Ashes : Au-delà du jazz

Une jolie tribu de la scène française se joue des frontières pour enregistrer en grand format.

Jacques Vincent  • 20 octobre 2021 abonné·es
Tribe From the Ashes : Au-delà du jazz
© Seka

L’espace de cette chronique ne suffirait pas si l’on devait nommer les seize musiciennes et musiciens qui ont participé à l’enregistrement de ce disque et celles et ceux avec lesquel·les ils et elles ont collaboré au cours de leurs plus ou moins longues carrières : de Julien Lourau à Archie Shepp en passant par Stéphane Belmondo ou Tony Allen. Une bande de musiciennes et de musiciens de la scène jazz française qui se jouent des frontières musicales. Une tribu, pour reprendre leur vocabulaire.

Trois sont néanmoins plus responsables que les autres du projet et du résultat. Les magnifiques chanteuses que sont Marion Rampal et Sandra Nkaké et le flûtiste et chanteur Jî Drû, ces deux derniers également membres du collectif Push up !, signant tous les titres. On trouve aussi au fil des plages quelques noms qui se sont imposés depuis des années, comme Thomas de Pourquery, au saxophone alto, et Anne Paceo, qui ne joue pas de batterie mais chante sur un titre.

Le disque s’ouvre sur un souffle obscur qui semble venir de loin, dans le temps et dans l’espace. Celui de la flûte qui tire le fil et entraîne tous les autres instruments, funambule fuyant la gravité entre terre et ciel. Elle est rejointe par la contrebasse de Manuel Marchès (il est important de préciser qu’il n’y a pas de basse électrique) tout en chaleur et rondeur, puis la batterie de Mathieu Penot. Le duo vient ancrer dans le sol les arabesques des instruments et des voix, tout en leur ouvrant un vaste espace de liberté. Il joue un rôle essentiel tout du long dans le son de l’ensemble, dans ce qu’il a de plus physique et tactile.

Ce sont treize compositions au total marquées par une constante richesse mélodique qui donne envie d’en écouter certaines en boucle (« Ashes », au refrain entêtant, ou « Rewind », enflammé par le long solo du guitariste Jérôme « Tchiky » Perez), une atmosphère flottante, parfois ouatée. Un univers de lumière diaphane qui exprime à la fois une douce mélancolie, un état légèrement plaintif et une tendance rêveuse, parfaitement en accord avec l’automne naissant.

À l’occasion, la troupe rappelle ce qui la rassemble. À l’exemple de cette composition intitulée « Love Sublime », référence évidente au « Love Supreme » de John Coltrane, mais dans une proximité d’esprit plus que de forme musicale. Avec l’apport de la harpe de Christophe Minck, on peut penser que « Love Sublime » est aussi un clin d’œil à Alice Coltrane, pianiste, harpiste et épouse de John.

C’est donc d’un jazz grand format, on pourrait dire en format étendu, jusqu’à la pop et la soul, qu’il est question. Le fait de musiciens qui ont écouté beaucoup de musiques différentes et en ont enrichi leur pratique.

Il est amusant de penser que, dans les années 1970, qu’elle rappelle parfois, cette musique aurait été qualifiée de rock, progressif aurait-on ajouté, comme en proposaient des musiciens qui, au-delà du rock, s’étaient eux aussi nourris d’autres musiques, le jazz en particulier. Comme une sorte d’effet miroir ou de dialogue à travers le temps.

Tribe From the AshesTribe From the Ashes, Label Bleu.

Musique
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