Le Rafale, poussé au décollage

L’industrie française de l’armement bénéficie largement des aides et garanties de l’État, et donc des contribuables.

Sébastien Fontenelle  • 10 novembre 2021 abonné·es
Le Rafale, poussé au décollage
Sur le stand de Dassault Aviation au salon Euronaval 2016, au Bourget.
© Irina Kalashnikova / Sputnik / Sputnik via AFP

Les marchands d’armes coûtent cher – très cher – aux contribuables, qui dans leur immense majorité ignorent totalement que l’argent de leurs impôts sert aussi à sponsoriser ce si problématique commerce. Le groupe Dassault, par exemple, vit sous constante perfusion d’aides gouvernementales. Ce n’est pas exactement nouveau : en 1972, déjà, la Cour des comptes révélait ainsi que l’État français lui avait alloué, dans le cours de la décennie précédente, et avant que cet ambitieux programme ne soit purement et simplement abandonné, la bagatelle de 600 millions de francs de l’époque pour l’aider à développer deux nouveaux chasseurs – les Mirage F2 et F3. La même année, l’industriel avait bénéficié de 2 milliards de francs d’avances de l’État, en guise de participation au développement de trois appareils civils.

Un demi-siècle plus tard, rien n’a changé. En 2011, les sénateurs Xavier Pintat et Daniel Reiner consacrent quelques pages de leur rapport sur l’équipement des forces armées françaises au programme Rafale – du nom du nouvel avion de combat de Dassault, dont l’armée française s’est engagée à acheter 283 exemplaires, mais dont aucun autre pays ne s’est encore porté acquéreur. Selon ces deux parlementaires, le coût total de ce programme pour l’État, précédemment estimé à 40,7 milliards d’euros, est en réalité, « actualisé au prix de 2011 », de 43,56 milliards d’euros. Mais ce n’est pas tout : la désaffection des acheteurs étrangers, qui trouvent cet appareil trop coûteux, contraint le gouvernement français à en acheter pendant quelques années plus d’exemplaires qu’il ne le souhaitait. Coût supplémentaire : 1,1 milliard d’euros, au grand dam des sénateurs, selon lesquels cette dépense a « ponctuellement grevé le budget des équipements » et pourrait conduire, si aucun acquéreur étranger ne se manifestait, « à une révision drastique à la baisse du format » de l’armée de l’air française.

Depuis, l’avion du groupe Dassault a séduit l’Égypte du président Al-Sissi, puis quelques autres acquéreurs. Reconnaissante, la France a garanti, à hauteur de 85 %, les prêts qui ont permis au Caire, dont la santé financière est des plus fragiles, de s’offrir au printemps 2021, pour 3,75 milliards d’euros, 30 nouveaux exemplaires du Rafale. De sorte que, si les Égyptiens n’honorent pas leurs traites, ce sont les contribuables français·es qui seront, sans le savoir, de nouveau mis·es à contribution…

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