Quand le RN dépolitise le climat

Alors que le déni environnemental n’est plus tenable, l’extrême droite tente d’adapter son discours. Entre isolationnisme absurde et culpabilisation des citoyens.

Clémence Dubois  • 29 juin 2022
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Quand le RN dépolitise le climat
© Frederic Petry / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Le mouvement climat a ardemment travaillé à politiser la crise climatique, pour la transformer en sujet prévalant dans tout positionnement politique. Il reste qu’il fut surprenant d’entendre Jordan Bardella, dans l’entre-deux-tours des élections législatives, nommer le dérèglement climatique comme le plus grand défi auquel nous soyons confrontés. À mesure que les conséquences de la crise climatique sont de plus en plus tangibles pour la population, le déni n’est plus une option, y compris pour l’extrême droite, qui adapte sa rhétorique afin d’atteindre des objectifs qui, eux, demeurent inchangés.

Marine Le Pen propose ainsi de démanteler le parc éolien, qu’elle décrit comme « un saccage économique et écologique ». Elle préfère laisser Total développer des oléoducs comme Eacop – qui menace la sécurité alimentaire de millions de personnes à travers l’Afrique de l’Est – plutôt que de conserver des éoliennes qui « gâchent le paysage immémorial de la campagne française ».

Il existe une continuité entre les propositions de retranchement nationaliste de l’extrême droite et son projet dit « écologique ». Celui-ci est fondé sur un isolationnisme chauvin qui imprègne de manière diffuse et néfaste le discours autour du climat. Marine Le Pen a ainsi décrié le cadre des négociations climatiques internationales, qui auraient, selon elle, trop occupé la diplomatie française ces dernières années, plutôt que la défense des intérêts de la France. Il n’existe pourtant strictement aucun argument rationnel en faveur d’un tel isolationnisme. Se concentrer sur la réduction de ses propres émissions tout en continuant à importer celles des autres est une tartufferie.

Marine Le Pen décrit le parc écolien comme « un saccage économique et écologique ».

Le discours tendant à se féliciter, dans les premiers temps de la pandémie, de la baisse immédiate de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre relève d’une même mécanique. Il s’appuie sur le constat abject que seule une mise à l’arrêt totale de « ces humains les virus » permettrait de résoudre la crise climatique, rendant toute initiative caduque puisque irréalisable. Aussi, en rejetant la faute sur tout un chacun plutôt que sur les commanditaires réels du choc climatique, ce discours a dilué toute lecture politique des structures véritables de la crise. Le positionnement « écologique » de l’extrême droite est du même acabit, puisque par l’exacerbation des peurs et l’absence de solutions concrètes il se place en profiteur direct de cette crise.

À mesure que la crise climatique et sociale s’aggrave, le désespoir va inexorablement devenir un puissant moteur pour de telles thèses. Il est évidemment plus facile de discourir sur la surpopulation, avec la haine de l’autre en toile de fond, et de légitimer des lois anti-immigration à l’approche malthusienne que de proposer d’endiguer la surconsommation des pays riches ou de s’attaquer aux multinationales responsables de cette fuite en avant.

Pour contrer ces discours dangereux, nous avons le devoir de répondre par des solutions concrètes et d’exposer les enjeux de pouvoir qui ont engendré et continuent à amplifier le dérèglement climatique. Alors que les pénuries sont vouées à se multiplier, la seule issue réside en un front solidaire poussant les pays riches vers le partage plutôt que la thésaurisation de leurs richesses. Et vers le financement des mesures d’adaptation pour les pays les moins responsables de la crise, quoique les plus touchés par ses effets.

L’éducation aux causes profondes de la crise climatique est un enjeu crucial pour l’équilibre social des années à venir : l’action climatique n’est pas un débat d’idées ouvert aux thèses les plus farfelues, elle est un chemin rationnel guidé par une prise en compte des structures mondiales des systèmes de pollution et des rapports de force internationaux qu’ils sous-tendent.

Il est enfin impérieux de se tourner vers la jeunesse, qui, si elle s’est constituée en force de premier plan dans la rue, continue malheureusement d’être marginalisée au sein des initiatives politiques et, logiquement, se détourne des outils de décision politique traditionnels. Voire s’égare auprès d’une extrême droite qui engrange des résultats records dans ses rangs.

Par Clémence Dubois Responsable France pour 350.org

Publié dans
Le temps du climat
Temps de lecture : 4 minutes
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