Urban Boat : L’art en navigation libre

Projet culturel itinérant mené à bord d’une péniche, sillonnant surtout la région Hauts-de-France, Urban Boat carbure à plein régime durant l’été. Principal rendez-vous : l’Escale douaisienne.

Jérôme Provençal  • 20 juillet 2022 abonné·es
Urban Boat : L’art en navigation libre
© Julien Sultan

Drainant dans son sillage un stimulant parfum de douce utopie, l’aventure d’Urban Boat a démarré en 2018. À la barre se trouvent Alexia Balandjian – qui apparaît sur le site dédié au projet (urbanboat.fr) comme « chargée de production, capitaine » – et Nicolas Defawe – « directeur artistique, matelot ». Ensemble depuis une quinzaine d’années, tous deux ont éprouvé le désir de changer de lieu – et de mode – de vie après une longue période passée à Berlin, où ils ont notamment œuvré au sein d’Urban Spree (bastion alternatif pluridisciplinaire très dynamique et coloré, situé dans le quartier de Friedrichshain).

Escale douaisienne, du 3 au 7 août à Douai.

In.Out.sider, du 12 au 16 octobre à Bruxelles.

L’opportunité s’est alors présentée à eux d’acquérir une péniche au gabarit Freycinet – norme européenne qui régit la dimension des écluses de certains canaux. Datant de 1966, ladite péniche répond au doux nom de Thabor. Longue de 38 mètres et en parfait état de marche, elle est devenue l’habitation du couple et de sa fille, Rita. D’abord ancrée à Douai, la petite famille a ensuite vogué vers l’Oise pour s’amarrer à Longueil-Annel, ancien village de bateliers, proche de Compiègne.

D’emblée, le bateau a aussi été envisagé comme l’instrument d’un projet artistique nomade, dont les contours se sont précisés au fil de l’eau. Baptisée Urban Boat, cette initiative a vocation à naviguer en zone urbaine comme rurale ou semi-rurale, avec une préférence pour ces deux dernières. En effet, l’objectif consiste avant tout à apporter une offre culturelle dans des territoires où il en existe peu, voire pas du tout.

«À l’origine, nous n’avions pas vraiment envisagé cette forme d’action culturelle, explique Nicolas Defawe. Ça s’est construit peu à peu et nous y avons pris goût. L’accueil favorable reçu jusqu’à présent est vraiment encourageant : on s’aperçoit qu’il est possible d’amener un projet artistique aventureux à peu près partout, y compris dans les endroits les plus retirés. »

Mû par une exigence souple, Urban Boat peut proposer des programmations plus ou moins pointues suivant les contextes. D’une halte à l’autre, le cap est maintenu vers un horizon intangible : investir l’espace public avec des événements gratuits. Ce principe phare induit divers soutiens, en particulier de la part des institutions. Dans la vaste région Hauts-de-France, le projet a suscité assez vite l’adhésion et s’avère de plus en plus fédérateur.

« À chaque fois, nous sommes en relation avec des partenaires locaux bien inscrits dans leur territoire, qui font le lien et permettent d’attirer du monde, précise Alexia Balandjian. Lorsqu’on est itinérant, fidéliser un public est forcément difficile, surtout au début. »

Équipée d’une scène extérieure, la péniche Thabor – dont l’électricité provient entièrement de l’énergie solaire – présente des concerts, des spectacles, des performances ou encore des projections de films. La diffusion n’est toutefois pas son unique attribution. Grâce à sa superficie, elle sert également d’espace de création et de médiation. Disposant de plusieurs cabines d’hébergement, d’un vaste espace de travail et d’un studio son, elle embarque ainsi régulièrement des artistes dans le cadre de résidences, sédentaires ou nomades. En outre, elle peut accueillir des conférences, séminaires et autres tables rondes.

Depuis sa mise à flot, Urban Boat évolue majoritairement dans les eaux musicales et sonores, avec un large volet dévolu à la création radiophonique, amené à s’amplifier. Les arts graphiques et scéniques devraient également gagner en importance dans les années à venir.

Sur le plan géographique, le projet reste circonscrit à la région Hauts-de-France, avec quelques débordements à Paris. La partie sud de la France reste pour le moment hors d’atteinte, pour des raisons de temps et de consommation de carburant. «Nous construisons des tournées en évitant les trop longs trajets, souligne Alexia Balandjian. Au niveau de la navigation, le nord de la France est un peu coupé du reste du pays. Se rendre de Paris à Lyon nécessite au moins quinze jours, avec peu de villes-étapes possibles entre les deux. »

À terme, la capitaine et son matelot aimeraient pourtant étendre leur champ d’action aux pays européens voisins, notamment la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne. Ils sont d’ailleurs à la source du nouveau festival In.Out.sider, qui a pour but de valoriser les initiatives artistiques de personnes en situation de handicap et va se dérouler en octobre à Bruxelles, la péniche Thabor se déplaçant jusque là-bas pour l’occasion.

En attendant, cet insolite équipage a largement de quoi s’occuper. Si la péniche ne dépasse pas les neuf kilomètres/heure, le projet semble, quant à lui, aller toujours crescendo, surtout durant l’été – principale période d’activité. La première quinzaine du mois de juillet a été marquée par Les Traversées, festival « navigant » qui a relié plusieurs villes des Hauts-de-France, avec neuf groupes musicaux invités à bord pour des résidences de création croisée, chaque étape donnant lieu à des concerts.

Se profile maintenant l’Escale douaisienne, événement présenté comme un « jardin festif au bord de l’eau », organisé début août au parc Vernier, à Douai. Éclectique et fureteuse, la programmation invite à partager cinq soirées (toutes gratuites) de réjouissances musicales.

Parmi les concerts, signalons notamment Ravage Club, duo lillois de rock fiévreux ; Quatuor Meret, un quatuor à cordes 100 % féminin au répertoire très large ; et Chevalier Surprise, groupe détonant composé de deux membres de The Experimental Tropic Blues Band – excellent groupe belge de rock garage – et de trois jeunes hommes atteints de handicap mental.

Musique
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