Grenelle, retour sur terre

Bernard Rousseau est responsable des politiques eau de France nature environnement (FNE), dont il est l’ancien président.

Bernard Rousseau  • 4 janvier 2008 abonné·es

Ils n’étaient pas peu fiers, les représentants des associations, le 21 mai dernier. Reçus à l’Élysée par le tout-nouveau Président et son superministre de l’Écologie, Alain Juppé, ils saluaient « une première qui les a menés, dans l’enceinte du Conseil des ministres sous un gouvernement de droite, à parler de biodiversité », rapportait Nicolas Hulot (dans Libération). On se disait rassuré par des discussions « historiques » , « cordiales » et « sans tabou » . Avec un bémol pour Greenpeace et WWF, qui pressentaient que les discussions « [seraient] dures sur le nucléaire » .

Après les législatives de juin, Jean-Louis Borloo, nouveau ministre de l’Écologie, et Nathalie Kosciusko-Morizet, sa secrétaire d’État, organisent le Grenelle. Le temps des « colloques » étant révolu, c’est le temps de la réunionite aiguë qui occupera l’été 2007.

Le 25 octobre, round final du Grenelle, clôturé par l’allocution de Nicolas Sarkozy, de quoi faire perdre à tout militant associatif ayant soif de reconnaissance l’indispensable esprit critique qui fonde son utilité sociale.
Et c’est ce qui a le plus manqué dans la cour de l’Élysée, où il était de bon ton de faire les louanges du discours présidentiel, tenu de surcroît en présence du président de la Commission européenne et d’Al Gore, ancien vice-président des États-Unis.

Qui parle peu reste dans l’ombre des anonymes, qui parle trop s’expose. Le pompon sera gagné par Yannick Jadot, de Greenpeace France et porte-parole de l’Alliance pour la planète, cette association des « mêmes avec les mêmes » . Occupant la première ligne du front médiatique, enfonçant des portes déjà ouvertes, il se lâche (Nouvel Observateur, 1er novembre 2007) : « […] en France, nous sommes sortis d’une culture de pure opposition. Nous sommes des constructeurs d’alliances et de rapports de force […] » Un peu présomptueux, et combien de divisions pour ce combat ?

Puis les premières mesures « écologiques » de l’après-Grenelle sont tombées, très prévisibles : construction de l’autoroute A 45 entre Lyon et Saint-Étienne, sauvegarde des intérêts du lobby OGM, fusil à un coup de l’éco-pastille automobile, etc. Retombée du soufflé, fin des éblouissements, et retour vers d’autres réalités qui remettent à sa place la plainte de l’écolo déçu du Grenelle : grèves et grande bouffe de fin d’année.

Alors, fallait-il participer au Grenelle ? Oui, à condition de ne pas croire au père Noël avant l’heure. Quand on est responsable d’association, que l’on côtoie trop souvent les ministres, ces séducteurs, on se déplace toujours sur le fil du rasoir. À défaut de garder le cap de la neutralité politique, toute chute se paie, par la perte de quelques doigts !

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