La « petite boîte » qui rapporte gros

Thierry Brun  • 28 novembre 2008
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Au prétexte de valoriser les entreprises, le ministère de l’Economie a lancé une campagne publicitaire qui se chiffre à plusieurs millions d’euros. Un coût colossal alors que 45 900 chômeurs supplémentaires (de catégorie 1) ont été enregistrés par l’ANPE en octobre et que nombre d’entreprises ont déjà fermé leurs portes.

« La petite boîte, la moyenne boîte » , entend-on dans le spot publicitaire diffusé sur les chaînes de télé. Derrière cette campagne publicitaire lancée par le ministère de l’Economie se cache une affaire juteuse pour les grands médias et les publicistes en quête de ressources. La campagne publicitaire menée à grands frais par le ministère de l’Economie a sans doute cette vertu de venir au secours d’entreprises de médias indispensable à la com’ présidentielle. Son coût, non révélé par Bercy, s’élève à plusieurs millions d’euros. Sachez que 30 secondes de spot « La petite boîte » et 104 diffusions entre le 23 et le 26 novembre sur BFMTV sont estimées à 257 000 euros.

Le spot télé est en effet diffusé depuis le 23 novembre sur les chaînes hertziennes et numériques. Dans son communiqué, le ministère de l’Economie indique que ce film repose « sur le concept de « la boîte », terme populaire que tout le monde utilise pour parler de son entreprise (ou de celle dans laquelle on travaille) et qui réfère explicitement à une petite ou moyenne entreprise par rapport à une multinationale » . Et la campagne publicitaire est destinée à la « valorisation des entreprises » . Elle été réalisée par Publicis Consultants et Publicis Conseil, géant de la pub qui affiche d’excellents résultats financiers et qui a sans doute décroché là un jackpot. On ne sait combien Publicis a facturé cette prestation, mais la note devrait être salée, puisque le dispositif « comprend la diffusion d’un spot TV jusqu’à la mi-décembre et des annonces presse qui répéteront inlassablement : « Agir pour nos entreprises, c’est agir pour l’emploi » (voir CB News du 28 novembre, http://www.cbnews.fr/articles/marques/le-ministere-de-l-economie-valorise-les-entreprises)

On ne sait pour l’instant combien coûteront aussi les annonces presse portant sur certaines mesures phares, ainsi que la fameuse « série inédite » de programmes courts télévisés intitulée : “Les entrepreneurs”, diffusée, dès fin novembre et jusqu’en juillet 2009, les samedis et dimanche soirs sur M6, laquelle pourra remercier Bercy pour le soutien qui lui est apporté… N’oublions pas le portail créé à cette occasion (www.nosentreprisesnosemplois.gouv.fr), « donnant des informations au grand public sur chacune des mesures contenues dans le plan de soutien à l’activité et aux PME » . Car, bien entendu, chaque Français se doit d’être informé du plan de soutien aux entreprises, mais pas du montant de la facture et de l’efficacité de cette opération de com’. Tout cela semble bien loin de la réalité : les défaillances d’entreprises sont montées en flèche (+ 16 % par rapport à l’année dernière, selon l’Insee) depuis quasiment un an. Et la liste s’allonge des entreprises qui ont adopté des mesures de chômage technique. Les plans de départs volontaires ou de licenciements s’accélèrent ainsi que les ouvertures de procédures de redressement ou de liquidation judiciaire de grandes PME (Camif, Voyages Wasteels, Moteurs Baudouin, Switch, etc.).

Mais le budget publicitaire consacré à cette opération dépasse de très loin les ambitions budgétaires du gouvernement et des organisations patronales en ce qui concerne l’afflux de chômeurs. Fin octobre, 2 004 500 demandeurs d’emploi étaient inscrits en catégorie 1 à l’ANPE et les offres d’emploi baissent de 5,5 % sur un mois et de 9,8 % sur un an. Le nombre total d’inscrits à l’ANPE atteint 3,151 millions de personnes. Pendant que Laurent Wauquier, secrétaire d’Etat à l’Emploi, préparait l’opinion publique à la tendance « très mauvaises » des chiffres de l’emploi (une nouvelle augmentation de plus de 40 000 chômeurs en octobre a été annoncée), les organisations patronales mènent avec la dernière énergie une bataille qui consiste à réduire les droits des chômeurs. « Sous le prétexte fallacieux de l’équilibre financier de l’UNEDIC, tous les artifices sont recherchés pour ne pas mobiliser les indispensables moyens supplémentaires, voire pour atteindre l’objectif gouvernemental d’une diminution des cotisations chômage », a relevé la CGT. Pour eux, la relance est une idée fumeuse et la petite boîte avec.

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