GrDF-ErDF : L’énergique répression syndicale se mène au prix de grèves de la faim

Thierry Brun  • 18 décembre 2009
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Le duo GrDF-ErDF s’est fait une spécialité de la répression syndicale et du muselage des syndicalistes trop remuants. Le cas de Nordine Mahroug, militant de SUD-Energie, en grève de la faim depuis le 14 décembre, montre que la chasse aux sorcières des militants syndicaux a franchi une nouvelle étape.

Il y a quelque chose d’indécent, de malsain et de révoltant, dans le fonctionnement actuel de GrDF, filiale de GDF-Suez, et d’ErDF, filiale d’EDF. La direction de GrDF est depuis plusieurs mois engagée dans une répression syndicale, d’une violence rare dans l’organisation interne d’une grande entreprise, après le « plus grand mouvement social de l’histoire d’EDF et GDF-Suez », selon les syndicalistes, qui a porté sur des revendications touchant à la répartition de plus en plus inégalitaire des richesses dans l’entreprise et aux suppressions de postes.

Les licenciements de syndicalistes se multiplient ainsi que des centaines de sanctions (plus de 250), dont des mises à pied, des rétrogradations « pour des motifs fallacieux », constatent les organisations syndicales. Ainsi, en mai, 74 syndicalistes de GDF-Suez étaient mis en garde-à-vue à Paris. Et en octobre, quatre syndicalistes CGT étaient licenciés à ErDF et GrDF.

Le cas de Nordine Mahroug , en grève de la faim depuis le 14 décembre à l’agence ErDF-GrDF du 16-20, rue Pétrelle dans le IXe arrondissement de Paris (photo ci-dessous), est emblématique de la situation particulièrement dégradée que vit l’entreprise. Nordine a été rejoint par deux responsables syndicaux, Yann Cochin et René-Michel Millambourg, qui, eux aussi, ont entamé une grève de la faim le 17 décembre.
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Nordine, militant syndical (SUD-Energie) fait l’objet d’un licenciement sec pour fait de grève, sur la base d’un dossier vide (un autre militant, CGT, est également licencié pour faits de grêve à GrDF). Les agences parisiennes ErDF et GrDF de Saint-Maur et Trudaine ont fait grève le 15 décembre pour « exprimer leur refus du licenciement pour faits de grève de Nordine ainsi que de l’ensemble des sanctions touchant les militants » après le mouvement du printemps dernier, indique la fédération des syndicats SUD-Energie. Un rassemblement de syndicalistes SUD, CGT et CFTC se sont déplacés au pied du bâtiment où sont installés les grévistes de la faim. Et le Parti de gauche, les Verts, le NPA, les Alternatifs ainsi que la secrétaire nationale du parti socialiste, en charge de l’énergie ont apporté leur soutien à ce mouvement.

Les dirigeants de GrDF ont en effet dépassé toute mesure et se sont lancés dans ce que les organisations syndicales nomment une « chasse aux sorcières ». « Cela ne fait aucun doute pour l’ensemble de ses collègues en grève, le licenciement qui frappe Nordine aujourd’hui est lié à la grève du printemps. Nordine, salarié de GrDF (en charge du réseau de distribution gaz) est sanctionné pour avoir été particulièrement actif et très médiatisé pendant ce mouvement. Il a également eu le tort d’être le seul témoin d’une action totalement illégale dont s’est rendue coupable un responsable hiérarchique, qui a dégonflé les pneus des véhicules d’ERDF-GRDF », révèle SUD-Energie.

Pour prix de cette activité trop gênante , la direction « a maquillé et monté de toutes pièces un dossier justifiant un licenciement pour faute professionnelle, en s’appuyant par exemple sur des témoignages de « clients » dont certain se révèlent être cadres d’ErDF et GDF. Depuis plusieurs mois, Nordine faisait l’objet d’un véritable harcèlement : demandes continuelles de rendre des comptes, demande d’interventions seul dans des situations dangereuses, provocations ». Toujours selon SUD-Energie, « la procédure ayant conduit au licenciement de Nordine est une véritable parodie de justice, tant il est clair que la décision était prise avant qu’il n’ait pu exposer sa défense. La direction s’est vengée d’un mouvement pourtant totalement légitime, sans aucun état d’âme ».

La répression a lieu sur fond de distribution insolente des bénéfices records de 6,5 milliards d’euros de GDF-Suez et de 3,4 milliards d’euros d’EDF réalisés en 2008. Ainsi, après avoir versé 74 % de ses profits à ses actionnaires, les dirigeants chasseurs de syndicalistes se sont octroyé la part du lion. Le salaire fixe du vice-président, Jean-François Cirelli, a été multiplié par trois et sa rémunération variable par cinq. Le salaire annuel de JFC s’élève désormais à près de 1,3 million d’euros (+ 183 %) et sa part variable à la bagatelle de 735 413 euros. Il en serait de même pour les salaires des autres membres du comité de direction. Avec l’onction de l’État, premier actionnaire du groupe à hauteur de 35,7 %. Le sort de Nordine est moins enviable. Cet homme à 36 ans, deux enfants et se retrouve à la rue.

Vous avez bien lu et vous êtes bien sur le territoire français et pas dans un régime musclé qui met son mouchoir sur les libertés. Ces agissements en toute impunité ont lieu sous les yeux des citoyens sans que cela ne provoque l’intervention du gouvernement. Certains, comme le Parti de gauche y voient une « stratégie de criminalisation de la contestation sociale orchestrée par le gouvernement [qui] conduit à ce type de remise en cause intolérable d’un droit fondamental : le droit de grève, la liberté de se syndiquer ». C’est justement ce qu’on se disait…

Des dirigeants qui se gavent… pour quel bilan ?

Les dirigeants de GDF-Suez et d’EDF ont mené tambour battant la libéralisation du secteur de l’énergie, pour un bilan peu flatteur : envolée des prix de l’énergie et des services associés, dégradation du service aux usagers (par exemple avec un temps moyen de coupure électrique par usager en très forte augmentation), désorganisation complète des entreprises, perte de la culture de sûreté dans les centrales, baisse des effectifs, développement de la sous-traitance, détérioration des conditions de travail. Bravo, messieurs !

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