Les écologistes à Nantes: une candidature un peu trop « joly » pour être honnête

Claude-Marie Vadrot  • 22 août 2010
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Nantes, le 21 Août

Derrière les embrassades des responsables de l’écologie politique française, se dissimulent au moins deux inquiétudes que les militants présents à Nantes, surtout ceux, encore majoritaires, venus des Verts, cachent de moins en moins. Elles portent deux noms : Corinne Lepage et Eva Joly. Les lecteurs trouveront jeudi dans Politis notre reportage sur les militants réunis à Nantes, mais il m’est apparu urgent d’éclairer cet aspect de « l’unanimisme de Nantes » qui n’existe que dans l’imagination de quelques confrères.

D’abord, la présence de Corinne Lepage qui revendique sans nul honte une place importante dans la recomposition « verte », hérisse beaucoup de gens. Au moins ceux qui se souviennent qu’elle fut ministre d’Alain Juppé et que son mini parti a longtemps fait partie du Modem de François Bayrou qui n’est pas vraiment apprécié à Nantes ; et ceux qui savent que ses positions sur les questions de société, sur la politique internationale ou le conflit israélo-arabe sont largement en contradiction avec celles des plus modérés des Verts. Nombreux sont les militants qui ne souhaitent pas que le périmètre de leur mouvement, même si Daniel Cohn-Bendit dont les actions sont sérieusement en baisse se bat encore pour cela, s’élargisse au centrisme. Les déclaration de Dany sur la ringardise de l’anticapitalisme ont choqué nombre de militants.

Mais il y a plus grave : la candidature autoproclamée d’Eva Joly. Candidature qui hérisse également la base. Non pas que l’ancienne magistrate ne soit pas populaire. Mais les écologistes présents à Nantes, en dehors des leaders, lui trouvent au moins deux défauts qui s’ajoutent au fait qu’il y a quelques années elle a conseillé un président malgache dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’était pas un parfait démocrate.

D’abord la culture d’Eva Joly sur les questions sociales et environnementales, sa connaissance des questions de la protection de la nature et de l’aménagement du territoire, ses idées sur un changement de société passant du productivisme actuel à un autre typé d’économie, ne paraissent pas à la hauteur de sa maîtrise des questions de transparence, de paradis fiscaux, de corruption et de finances internationales.

De plus, expliquent de nombreux militants, il est paradoxal que les écologistes se dotent déjà d’une candidate à la candidature alors que la « fusion » (mot rejeté par beaucoup de Verts) avec Europe Ecologie n’est envisageable que pour le mois de novembre et qu’il n’existe encore aucun programme pour une candidature écolo à la présidentielle de 2012. Beaucoup expliquent qu’il s’agit là d’un procédé qui ressemble étrangement à ceux que pratiquent les partis classiques : la femme ou l’homme avant les idées et un programme dont les premiers éléments ont été débattus à Nantes.

Situation qui n’est pas vraiment surprenante si on examine l’origine de cette candidature : elle parait bien avoir été mise au point par l’Institut de sondage OpinionWay dont le Vice président exécutif est Denis Pingaud. Dans le journal Libération daté du mercredi 18 août, celui qui a déjà contribué notamment à « inventer » Olivier Besancenot et à organiser la candidature de José Bové, a lancé sa nouvelle candidate qui sera ou serait peu à peu imposée comme une « évidence » par une campagne de communication qui ne fait que commencer et qui a été préparée au début de l’été sur l’île de Groix où Eva Joly et Denis Pingaud ont une résidence secondaire. D’ailleurs, Denis Pingaud est présent à Nantes où il a présenté jeudi les résultats d’un sondage qui conforte ses raisons avancées de pousser la candidature de l’ancienne magistrate. Ce qui signifie qu’Eva Joly n’est pas ou ne serait pas poussée en avant par un nouveau parti en voie de formation mais par une agence de relations publiques. Une société créée il y a dix ans et dont le chiffre d’affaires annuel approche des 10 millions d’euros, chiffre d’affaires correspondant à des études de marché concernant aussi bien des organisations de gauche que des partis ou des entreprises classées à droite.

Ces activités n’ont évidemment rien d’illégal ou de scandaleux mais il peut paraître pour le moins surprenant qu’une candidature des écologistes soit lancée comme une savonnette…

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