Egypte: de plus en plus de sérieuses inquiétudes quand les militaires décident pour le peuple

Claude-Marie Vadrot  • 11 février 2011
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Les militaires ont donc pris le pouvoir au Caire et les nouveaux garants de la démocratie qu’exige la population sont un ministre de la défense en poste depuis une vingtaine d’années et un « vice président » qui a été le chef des services de renseignements du Président démissionnaire. Avec un Conseil Supérieur des Forces Armées aux contours et aux objectifs bien flous qui fait bien comprendre que certes la population a joué un rôle mais que sans les miliaires rien n’aurait été possible. Faut-il vraiment se réjouir ? J’ai vécu ou vu trop vu de révoltes ou de révolutions populaires prises en charge puis récupérées par des hommes en uniforme pour ne pas avoir un doute. Un sérieux doute. L’Afrique, l’Asie et autrefois l’Amérique latine ont trop connu de militaires récupérateurs promettant des « élections libres » pour qu’il soit permis de se réjouir sans crainte et sans arrière-pensées quand les hommes en uniformes se mettrent à promettre une démocratie qu’ils ont pendant des années efficacement contribué à museler.

Nos radios et nos télévisions racontent que « le régime est tombé ». Alors que seul Moubarak, 82 an, est parti, usé par 30 ans de pouvoir dictatorial. Les autres, tous les autres, restent en place sous l’égide des militaires qui détenaient le pouvoir et le conservent. Que la majorité des Egyptiens aient courageusement réclamé la démocratie au prix d’au moins 300 morts et de milliers de blessés ne fait aucune doute. Qu’il l’ait obtenu n’est pas évident.

L’enthousiasme pour une geste populaire appuyée sur les classes moyennes ne peut pas masquer le risque qui surgit quand les militaires promettent la démocratie pour mettre fin à des manifestations ; parce que leur « patron » n’est plus crédible.

Que le peuple se soit dressé représente un espoir. Mais quand les militaires s’occupent du peuple, l’espoir est bien fragile et il faut rester très méfiant : car les tentations sont alors grandes de devenir simplement Calife à la place du Calife. Sans changer d’uniforme.

{{Urgence des militaires}}: restaurer l’ordre et la sécurité. Rien sur les libertés de parole, de réunion et d’association…Du Moubarak sans Moubarak jeté simplement parce qu’il était démonétisé, usé. D’ailleurs, depuis le dimanche 13 février, il n’y a plus de constitution, le gouvernement reste le même et le parlement est dissous. Voila un chemin bien étonnant vers la démocratie.

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