Le cauchemar Dior qu’a réveillé Galliano

Michel Soudais  • 2 mars 2011
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Le cauchemar Dior qu’a réveillé Galliano

Les propos antisémites tenus par John Galliano , le directeur artistique de Christian Dior, ont certainement rappelé de mauvais souvenirs au sein de la célèbre maison de couture. Car bien avant que le couturier anglais supervise l’ensemble de l’activité femmes du groupe, la marque a eu à pâtir des activités politiques tapageuses d’une nièce de son fondateur, Françoise Dior. Son slogan à elle était plutôt «Dior J’Adolf».

Françoise Dior en 1966.

Cette «fille à papa» née en 1932 était, au milieu des années 60, Liaison Officer de la World Union of National Socialists (WUNS). Elle avait été mariée à un Comte dont elle divorça pour épouser en octobre 1963 le chef des fascistes anglais, Colin Jordan. Auprès de lui elle fera bénéficier de son nom prestigieux et de sa fortune une «internationale» néo-fasciste. La WUNS avait pour «chef mondial» Lincoln Rockwell, leader de l’American Nazi Party; un siège international installé en Virginie, aux Etats-Unis. Mais c’est sous la direction de Colin Jordan qu’elle menait l’essentiel de ses activités en Europe occidentale. La WUNS «se disait national-socialiste, son symbole était la croix gammée, l’objet de son admiration était Hitler, la SS lui servait de modèle et d’idéal» , écrit Joseph Algazy dans un ouvrage d’où je tire et cette photo et mes informations[^2].

Un accord passé à Londres le 12 avril 1965 [^3] entre un groupuscule français, le Parti prolétarien national-socialiste de Jean-Claude Monet, et la WUNS représentée par Françoise Dior-Jordan stipule que cette dernière était chargée d’assurer «les liaisons entre les sections anglo-saxonnes» , «le camarade Monet» se chargeant «des sections latines et celtiques de l’organisation» . Le même accord mentionne le versement à Jean-Claude Monet par Françoise Dior de 200.000 francs[^4] «pour usage tactique» .

Françoise Dior ne se contentait pas de financer ses amis politiques. Elle était aussi une activiste sachant utiliser les médias pour sa cause. Le 4 juin 1965, elle est condamnée, par défaut, par la 17e chambre correctionnelle de la Seine à 4 mois de prison ferme pour avoir collé des tracts de propagande fasciste sur les murs de l’ambassade britannique à Paris. Un an plus tard, elle est arrêtée en France. C’est semble-t-il à ce moment-là que, reconnue par des reporters photographes elle pose faisant le salut nazi et portant une croix gammée en sautoir; commentant son emprisonnement, elle déclare: «Je ne suis pas mécontente de la prison, la cause a besoin de publicité.»
Plus tard, comparaissant devant le tribunal britannique d’Old Bailey sous l’inculpation d’avoir fomenté l’incendie de synagogues londoniennes, elle reconnut avoir déclaré au cours d’une réunion du parti nazi britannique: «Ne vous en faites pas, un jour les synagogues seront brûlées. Mais ce sera fait régulièrement, en application d’une loi du Parlement… Quand tous les Juifs auront été déportées par suite d’un accord international vers leur propre pays, les synagogues seront brûlées et je me réjouirai de les voir brûler.»

John Galliano, dans ses délires, n’a rien inventé.


[^2]: Joseph Algazy, La Tentation néo-fasciste en France, 1945-1965 , Fayard, 1984.

[^3]: Une copie figure dans l’ouvrage d’Algazy.

[^4]: Ce qui correspond grosso modo à l’équivalent aujourd’hui en euros.

Sur le même sujet, voir aussi (avec vidéos):
John Galliano n’égalera jamais la nièce de Christian Dior (Rue89)
Suite des aventures de la nièce nazie de Dior : le mariage (Rue89)
Sans oublier la notice Wikipédia de François Dior où l’on apprend qu’elle est décédée en 1993 après avoir adhéré en 1983 au… RPR.

Temps de lecture : 3 minutes
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