Il m’avait donné ma chance…

Journaliste engagé, Michel Naudy est décédé dimanche dernier. Il avait participé à la fondation de Politis.

Michel Soudais  • 5 décembre 2012
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Illustration - Il m'avait donné ma chance...

Ce n’est pas sans un petit pincement de cœur que j’ai appris lundi soir le décès de Michel Naudy sur les réseaux sociaux. En janvier 1988, c’est lui qui, à la veille de la parution du premier numéro de Politis , avait reçu ma candidature et commandé ma première pige. Avant ce jour, je ne le connaissais pas, j’ignorais même son nom, et savais encore moins qu’il avait été chef du service politique de l’Humanité avant de faire partie du petit contingent de journalistes communistes nommés à la télévision après le 10 mai 1981 pour y insuffler un peu de pluralisme. D’ailleurs je ne connaissais presqu’aucun des noms des journalistes qui avaient décidé, quelques mois plus tôt, de lancer un journal qui serait la propriété de ses lecteurs, un journal clairement à gauche.

J’avais posté mon offre de service comme une bouteille à la mer. J’amenais une bonne connaissance de l’extrême droite, mais je ne savais pas vraiment encore ce qu’était écrire un article. L’accueil de Michel Naudy fut chaleureux. Quasi paternel. Le service politique de ce nouvel hebdomadaire, dont il avait la direction, ne comptait que des débutants : Jean-Michel Aphatie, Thierry Moreau, Virginie Savignoni, et moi-même. Dans le confort spartiate d’un ancien garage que le journal avait investi au 76 de la rue Villiers-de-l’Isle-Adam, je me souviens d’avoir beaucoup appris auprès de lui.

Cette collaboration a duré une dizaine mois. Car, fin 1988, une vilaine crise interne est venue se greffer sur les difficultés financières que Politis affrontait comme toute entreprise de presse naissante. Pour faire simple, la querelle portait sur le positionnement du journal. Fallait-il le recentrer vers l’ensemble des courants et des cultures de gauche ? Ou renforcer son côté rebelle ? Ce dernier choix était celui de Michel Naudy. Au sein du directoire de quatre membres qui assumait la direction collégiale de Politis , et dont il faisait partie, les deux options étaient à égalité, deux contre deux. Dans la rédaction, cela se jouait à douze contre douze. Les statuts de l’entreprise avaient donné une voix prépondérante au président du directoire, Bernard Langlois, qui en usa. C’est ainsi que Michel Naudy a quitté Politis avec Rémy Galland, autre rédacteur en chef membre du directoire, suivi par dix journalistes, après une ultime AG, particulièrement houleuse.

Michel Naudy a ensuite retrouvé le chemin de France 3 , où il avait exercé diverses fonctions, dont celle de rédacteur en chef de l’édition nationale avant de participer au lancement de Politis . Journaliste engagé, il n’a jamais pas pu y exercer son métier aussi librement que son talent et sa curiosité aurait dû le permettre (voir le communiqué du SNJ-CGT).

Après l’avoir perdu de vu, je l’ai croisé plusieurs fois avec un plaisir me semble-t-il partagé dans diverses réunions politiques. Au fil de son engagement. Communiste critique dans les années 80, il s’occupait de la communication audiovisuel de Jean-Pierre Chevènement lors de la présidentielle de 2002. Il avait ensuite fondé le Mars avec Eric Coquerel et Eric Halphen. Engagé à ce titre dans les collectifs unitaires pour une candidature unitaire antilibérale en 2007, il a été candidat aux législatives dans « son » Ariège avec le soutien du PCF. Signataire de l’Appel de Politis, il était intervenu à la réunion nationale des signataires que nous avions organisée le 11 octobre 2008 à Gennevilliers (photo). Quelques semaines plus tard, il participait à la création du Parti de gauche au bureau national duquel il est élu en février 2009. Il n’y restera pas longtemps. Créateur du Cercle Lakanal, il continuait à traquer l’inacceptable dans son département de l’Ariège dont il parlait avec des yeux pétillants. C’est là, à son domicile, qu’il a choisi de se donner la mort le 2 décembre, à l’âge de 60 ans.

Après le geste, reste le souvenir.

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