Marché transatlantique UE-Etats-Unis : un comité stratégique pas très démocratique

Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, a installé un comité stratégique autour des négociations pour un accord de partenariat transatlantique entre l’Europe et les États-Unis. Motif ? Répondre « aux exigences démocratiques »…

Thierry Brun  • 9 octobre 2013
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Illustration - Marché transatlantique UE-Etats-Unis : un comité stratégique pas très démocratique


Nicole Bricq , ministre du Commerce extérieur, a installé le 8 octobre le comité stratégique sur l’accord de partenariat transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis (Transatlantic Trade and investment Partnership, TTIP), qui devrait « structurer 40 % du commerce mondial et définir les normes des échanges internationaux » (lire tous nos articles sur le sujet ici).

Rappelons au passage que Karel De Gucht , commissaire européen au Commerce chargé des négociations et Ron Kirk , représentant américain au Commerce, ont « recommandé que l’objectif d’un tel accord soit d’obtenir un accès aux marchés qui va au-delà de ce que les États-Unis et l’Union européenne ont atteint dans les accords commerciaux précédents » .

Communiqué de Nicole Bricq Le comité stratégique, « composé de parlementaires, de représentants d’entreprises, d’économistes et d’experts » devront « échanger sur les enjeux stratégiques et politiques d’un tel accord. L’objectif est d’éclairer les prises de position française au fur et à mesure de l’avancée des négociations » . Surtout, il aura la lourde charge « de mettre en perspective les discussions techniques sur l’accès au marché et la convergence réglementaire, pour redonner à l’accord sa véritable dimension : celle d’un partenariat » .

Cette mission part donc d’un présupposé : il n’y a pas d’obstacle à la négociation d’un tel accord. Nicole Bricq estime cependant que la mise en place de ce comité « est un des éléments de réponse aux exigences démocratiques » .

La ministre a fait appel à des députés européens qui ont voté (ou se sont abstenus de voter) le mandat de négociation de la Commission européenne en faveur de ce grand marché transatlantique ( Estelle Grelier, Nora Berra, Henri Weber ). Aucun de ces élus n’a voté contre le mandat de la Commission européenne. Il faut y ajouter une exception : Yannick Jadot , député européen EELV et opposant au TTIP, qui sera un membre très isolé du comité stratégique, à tout le moins une caution démocratique.

Les sénateurs, députés et représentant de groupe politique présents dans le comité sont favorables à ces négociations ( Marielle de Sarnez, Seybah Dagoma,Yannick Vaugrenard, Simon Sutour, Pierre Lellouche ) ainsi que les chefs d’entreprise ( BNP Paribas, Thales ) et leurs représentants (un expert en agroalimentaire, un membre de la commission internationale du Medef , le président du Conseil national du numérique ).

Les économistes et experts, au nombre de quatre, n’ont rien à voir avec les dangereux « économistes atterrés ». L’incontournable Elie Cohen est un économiste libéral très médiatique, proche de François Hollande et membre de plusieurs conseil d’administration d’entreprise. Jacques Mistral est membre du Conseil d’analyse économique et du libéral Cercle des économistes. Thomas Philippon est administrateur du think tank social libéral EuropaNova . Son conseil d’administration est tenu par des dirigeants de groupe comme Microsoft France , la banque Lazard, BNP Paribas, EDF , etc.

On remarquera que le comité stratégique n’a fait appel à aucune des organisations non gouvernementales et syndicales qui suivent cette question, telle Attac France , qui est à l’initiative d’un collectif d’une cinquantaine d’organisations contre le « grand marché transatlantique ».

Déjà en février, Nicole Bricq avait annoncé qu’elle défendrait « un accord de libre-échange utile et ambitieux entre l’Union Européenne et les Etats-Unis » , sans avoir consulté les ONG et les organisations syndicales. En juin, une lettre ouverte cosignée par deux organisations, l’ Aitec et Attac France , a été adressée à la ministre du Commerce extérieur, pour faire part « de leur profonde préoccupation relative aux négociations concernant le projet d’accord de libre-échange transatlantique » . Sans suite. On repassera pour l’exigence démocratique…

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