Qui va contrôler les opérateurs téléphoniques ?

La couverture réseau de nombreuses zones touristiques, déjà insuffisante en période creuse, révèle son indigence totale. On est à des années-lumière du « service universel », que les opérateurs avaient pourtant mission légale de mettre en place.

Christine Tréguier  • 17 septembre 2014
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Vous l’avez peut-être expérimenté à vos dépens cet été, le téléphone portable ne fonctionne pas partout, loin de là. A fortiori en période de vacances, là où on se connecte à tout va, qui pour connaître la météo, un itinéraire, un restau, le programme des réjouissances culturelles locales, qui pour envoyer à quinze amis l’inoubliable selfie-vidéo de « moi et mes deux cousines en maillot de bain ». Problème : la couverture réseau de nombreuses zones touristiques, déjà insuffisante en période creuse, révèle son indigence totale. On est à des années-lumière du « service universel », que les opérateurs avaient pourtant mission légale de mettre en place. Les zones grises et blanches perdurent, et ce n’est pas la 3G et la 4G, réservées aux veinards de citadins, qui y changent quoi que ce soit. Au contraire ! La « crise » permet aux télécoms d’arguer de l’importance des coûts de déploiement du très haut débit (machine à cash espérée) pour laisser tomber le reste. C’est-à-dire l’accès de base à un réseau supportant les besoins des entreprises et des habitants.

Selon les bilans de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) – gendarme supposé contraindre les opérateurs à tenir leurs engagements –, la pose des antennes 4G est lente, et a fortement diminué pendant juillet et août. Côté 3G, il n’y a pas un opérateur pour pallier les déficiences des autres, bien trop occupés qu’ils sont à se concurrencer dans les secteurs « de croissance ».

Résultat, nous avons tous galéré sec pour nous connecter, changer un billet de train, réserver une chambre ou simplement échanger mails et textos avec les parents, enfants et amis. D’autant plus que le soleil nous a offert fin juin deux magnifiques éruptions sur sa face nord, lesquelles ont engendré de sérieuses perturbations chez les humains, mais aussi dans les réseaux électriques et électroniques. En juillet et août, tous les opérateurs ont dû y faire face, mais chut… ces sujets sont tabous.

Vents solaires et infrastructures insuffisantes conjugués, même les urbains et les coins VIP – Alpilles, Lubéron, île de Ré… – ont eu droit au mobile et à la box hors service pendant 24 ou 48 heures, aux serveurs vocaux et Web erratiques et aux intranets déficients. Pour remédier aux surcharges, les fournisseurs ont fait ce qu’ils pouvaient pour servir… leurs gros clients et les forfaits haut de gamme. Au détriment des millions de possesseurs d’abonnement « entrée de gamme », sans engagement, à 19,90 euros, qui, eux, ont attendu plus de trois jours avant que leur téléphone se réanime et fonctionne de façon intermittente, ratant parfois deux appels sur trois. La loi interdisant ce type de pratique discriminatoire, de telles situations sont totalement inacceptables. Mais pourquoi diantre les opérateurs se gêneraient-ils ? L’Arcep regarde ailleurs et n’a pas grand pouvoir de sanction ; et bien malin celui ou celle qui pourra apporter la preuve du « défaut de service » pour les assigner en justice. Alors que pouvons-nous faire, nous autres pauvres « clients » (pour ne pas dire « cochons de payants ») afin de faire valoir nos droits ? Attendre que les associations de défense de consommateurs, comme l’UFC ou la CLCV, usent de la nouvelle procédure de (presque) action de groupe et croiser les doigts pour qu’elles obtiennent gain de cause ? Espérer que le député André Chassaigne (GDR) soulève lui aussi ce problème.

Fin août, il a eu la bonne idée de poser au tout nouveau ministre de l’Économie une question à double tiroir. Il s’est inquiété de la gestion de la « base de prévention des impayés » par les membres du Groupement d’intérêt économique (GIE) Preventel. « Deux motifs existent : “impayé” et “anomalie”. Les inscriptions sont enregistrées par les sociétés membres du GIE, sans autre contrôle », explique le député. « Cependant, force est de constater, au regard de la masse de clients très mécontents de leur opérateur, que les motifs d’impayés peuvent être multiples. Le consommateur n’a parfois d’autre choix que de suspendre le paiement pour défaut de téléphone ou de réseau. Cette action ultime fait souvent suite à de nombreuses réclamations restées vaines, trop souvent sur des plateformes décentralisées à l’étranger n’ayant ni compétence technique pour résoudre le problème du client ni responsabilité afin de trouver une solution commerciale censée satisfaire ce dernier ». Il propose donc que le fichier Preventel et le nécessaire « recensement des dysfonctionnements et tromperies de ces sociétés » soient pris en charge par un service indépendant. Un service qui pourrait également être informé de la qualité des réseaux, des services fournis et trancher en conséquence. Messieurs-dames de l’Arcep, à vous de jouer ou au gouvernement de mettre en place l’autorité ad hoc. Mais vite, car les abonnés, eux, en ont assez de payer pour ce qu’ils n’ont pas.

{{Sur le Web}}<br>

L’article de Nex INpact[http://www.nextinpact.com/news/89495-et-si-on-recensait-dysfonctionnements-et-tromperies-operateurs.htm?utm_source=PCi_News_letter&utm_medium=second_8&utm_campaign=pcinpact->http://www.nextinpact.com/news/89495-et-si-on-recensait-dysfonctionnements-et-tromperies-operateurs.htm?utm_source=PCi_News_letter&utm_medium=second_8&utm_campaign=pcinpact]<br>

Le dernier rapport de l’Arcep[http://www.nextinpact.com/news/88305-qualite-services-mobiles-orange-premier-free-dernier-bt-double-sfr.htm->http://www.nextinpact.com/news/88305-qualite-services-mobiles-orange-premier-free-dernier-bt-double-sfr.htm]

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