Rapport Reda : adapter le droit d’auteur

Christine Tréguier  • 22 janvier 2015
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Illustration - Rapport Reda : adapter le droit d'auteur

Julia Reda, eurodéputée du Parti Pirate apparentée au groupe des Verts, vient de remettre son rapport à la commission des Affaires juridiques du Parlement européen. Objet de celui-ci : évaluer la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins datant de 2001 et faire des propositions pour sa révision.

« Les règles du droit d’auteur européenne sont inadaptées à l’augmentation des échanges culturels transfrontières facilités par Internet » , annonce d’entrée la députée, « la directive sur le droit d’auteur a été rédigée en 2001, à une époque où ni YouTube ni Facebook n’existaient. Bien qu’elle ait eu vocation à adapter le droit d’auteur à l’ère numérique, en réalité aujourd’hui elle bloque la diffusion du savoir et de la culture savoir par-delà les frontières. » Julia Reda dit avoir été très sollicitée par les lobbyistes et avoir cherché à répondre de manière équilibrée aux différents groupes d’intérêt. Son rapport ne propose donc pas de remise en cause radicale de la propriété intellectuelle, mais des aménagements nécessaires et pour certains attendus de longue date.

En préambule, elle réaffirme « la nécessité pour les auteurs et les artistes-interprètes d’être dotés d’une protection juridique pour leur oeuvre créative et artistique » et « d’une rémunération appropriée pour toutes les catégories d’ayants-droit » , et appelle à une législation qui s’appliquerait de manière uniforme dans toute l’Europe.

Parmi les principales propositions, la sauvegarde du domaine public, qui n’est par définition pas soumis au droit d’auteur. Il devrait pouvoir être utilisé et réutilisé sans barrières légales ou contractuelles. Cette mesure aurait un impact en France où la Bibliothèque nationale de France (BNF), avec le soutien du ministère de la Culture, a entrepris, avec des partenaires privés, de numériser des dizaines de milliers d’ouvrages et de disques tombés dans le domaine public. En contrepartie, les partenaires se voient accorder des droits d’exploitation commerciale exclusifs. Le rapport suggère également que la future directive mentionne le droit des auteurs à mettre leurs œuvres dans le domaine public.

Il est également question d’harmoniser les durées de protection dans l’Union et de les limiter à ce que prévoit la convention de Berne, soit cinquante ans après la mort de l’auteur. En Europe, la durée en vigueur est passée, sous l’impulsion des Etats Unis, à soixante dix ans.

Le rapport préconise de rendre obligatoire toutes les exceptions. Actuellement, la directive laisse chaque Etat membre libre de les adopter ou non et de restreindre leur portée. Résultat, selon la provenance des œuvres, les exceptions pour enseignement, handicap, communication à des fins de recherche, etc., varient et sont un vrai casse-tête.

Parmi les autres propositions, autoriser aux bibliothèques le prêt de livres numériques, intégrer l’audiovisuel dans l’exception de citation ; élargir l’exception de caricature, de parodie et de pastiche quelle que soit la finalité du détournement ; ouvrir l’exception pour l’éducation et la recherche à toutes les filières y compris non-formelles ; clarifier le fait que les liens hypertextes ne relèvent d’aucun droit exclusif ; autoriser la diffusion de photos et de vidéos d’œuvres, monuments, paysages appartenant à l’espace public. Appelée « droit de panorama », cette mesure vient contrer les tentatives d’appropriations comme celle de la tour Eiffel ou des monts d’Auvergne. Enfin, dernière proposition, assortir les sanctions légales contre le contournement des DRM (antivols apposés pour prévenir le piratage) d’une obligation d’en publier le code source afin de faciliter l’interopérabilité.

Le rapport a été bien accueilli par les partisans d’une refondation du droit d’auteur pour l’adapter au numérique. Il a reçu le soutien de la Quadrature du Net qui déplore toutefois que « la question de la légalisation du partage non-marchand des œuvres entre individus ait été laissée de côté. Centrale pour la reconnaissance de nouveaux droits des individus sur la culture, elle reste aussi la meilleure façon de mettre fin à la spirale répressive dans laquelle la plupart des pays de l’Union sont engagés sous la pression du lobby des industries culturelles » .

Sur le Web [Le rapport de Julia Reda->https://juliareda.eu/2015/01/report-eu-copyright-rules-maladapted-to-the-web/] https://juliareda.eu/2015/01/report-eu-copyright-rules-maladapted-to-the-web/ [Le communiqué de la QDN->https://www.laquadrature.net/fr/reforme-du-droit-dauteur-le-parlement-europeen-doit-suivre-le-rapport-reda ] https://www.laquadrature.net/fr/reforme-du-droit-dauteur-le-parlement-europeen-doit-suivre-le-rapport-reda
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