La plate-forme des mouvements contre les grands projets inutiles

Auditionnés le 14 mars par la Commission spécialisée sur la démocratisation du dialogue environnemental, les mouvements d’opposition aux grands projets inutiles imposés ont présenté une plate-forme de 20 propositions pour « moderniser la démocratie participative ».

Thierry Brun  • 14 mars 2015
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La plate-forme des mouvements contre les grands projets inutiles

Illustration - La plate-forme des mouvements contre les grands projets inutiles - Banderole déployée devant la Cour d'appel de Rennes, le 7 janvier 2015 (AFP PHOTO / DAMIEN MEYER)

Des mouvements d’opposition aux grands projets inutiles imposés ont décidé de marquer les esprits en présentant le 14 mars une plate-forme de 20 propositions destinées à rénover les procédures du débat public (lire ci-dessous l’intégralité de la plate-forme). Ce document d’une vingtaine de pages, très critique, a été remis aux membres de la « Commission spécialisée sur la démocratisation du dialogue environnemental », mise en place par le Conseil national de la transition écologique (CNTE).

Installée le 19 février par la ministre de l’Écologie Ségolène Royal, cette commission chargée de remettre d’ici fin mai des propositions pour favoriser la « démocratie participative » a auditionné treize représentants des principaux mouvements d’opposition aux grands projets inutiles imposés, notamment au projet de barrage à Sivens, d’aéroport à Notre-dame-des-Landes, d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, de Center Parcs à Roybon, de ferme usine des 1 000 vaches à Drucat, de centre commercial EuropaCity à Gonesse et de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin. [^2]

La plate-forme proposée par ces mouvements s’est attachée à mettre en évidence les « failles » des procédures du débat public. « Beaucoup de citoyens sont persuadés que les nombreuses concertations, consultations, enquêtes publiques qui jalonnent le processus d’élaboration d’un projet sont le gage du bon droit final de la décision… Hélas, il n’en est rien ! » , souligne le texte, enrichi par des exemples concrets montrant « des dysfonctionnements dans le cadre des “enquêtes publiques” et des “débats publics” ou supposés tels » .

Ces dysfonctionnements, « qui concernent presque tous les projets, petits ou grands, nous les connaissons pour les avoir dénoncés pendant des années. Malheureusement en vain, tant le mépris des responsables politiques était complet et l’indifférence générale. Jusqu’à ce qu’apparaissent les “ZAD”, transformation du sigle d’urbanisme “zone d’aménagement différé” en “zone à défendre” et que nos luttes soient enfin médiatisées » , indique la plate-forme.

20 propositions ont donc été formulées devant la commission présidée par le sénateur PS Alain Richard, qui défendent trois « grands principes » , et reprennent les « exigences énoncées par la président de la République » en ouverture de la troisième conférence environnementale, le 27 novembre 2014, après la mort de Rémi Fraisse à Sivens. François Hollande avait demandé au gouvernement « d’engager un chantier sur la démocratie participative de manière à ce que, sur les grands projets, nous puissions avoir toutes les garanties, et qu’il ne puisse plus y avoir de contestation avec des formes inacceptables de violence » .

La plate-forme indique pour sa part que trois principes « devraient inspirer les modifications des procédures actuelles »  : « reconnaître la place des citoyens, leurs compétences, leurs capacités à produire des analyses et des propositions alternatives et ce dès le début du processus, c’est-à-dire dans la définition de l’utilité publique » ; « affirmer et mettre en pratique une transparence totale » et « fonder les décisions sur l’objectivité et la vérité » ; « impliquer la responsabilité des acteurs (fonctionnaires, élus, bureaux d’études, porteurs de projet, entreprises) » .

Illustration - La plate-forme des mouvements contre les grands projets inutiles - Occupation du site de Sivens, le 2 novembre 2014 (REMY GABALDA / AFP)

A l’heure où les tensions se durcissent autour de certains projets, comme celui du barrage de Sivens, la plate-forme prend au mot la volonté présidentielle. Mais les auteurs s’estiment « sans illusion sur la volonté réelle du gouvernement d’aboutir à des méthodes décisionnelles plus démocratiques parce que certains de nos mouvements ont déjà vécu des parodies de concertation et que notre confiance est à peu près réduite à zéro. Sans illusion parce que la loi Macron qui vient d’être adoptée prévoit des dispositions très inquiétantes qui montrent déjà le chemin choisi : une simplification qui sacrifie les enjeux environnementaux plutôt qu’un renforcement de la place des citoyens dans les choix d’avenir » .

Dans un communiqué, les représentants auditionnés indiquent que la mise en chantier de la plate-forme remonte aux initiatives de convergences et de luttes, « notamment par celle organisée en juillet 2014 vers le site de Notre-Dame-des-Landes » . Ils ajoutent qu’ils se sont rencontrés à Paris en septembre 2014 et en janvier 2015 pour mettre en commun des savoirs et des moyens d’analyse « bien plus large que les treize personnes auditionnées » . Ainsi, le document « n’a pas vocation de clore un débat mais bien au contraire de l’ouvrir pour l’enrichir et l’amender » .

publié par brun1

[^2]: Le groupe des représentants est constitué de Patrice Canal (Sivens), Corinne François (Bure), Stéphane Peron (Roybon), Martine Bouchet (Collectif des associations de défense de l’environnement du Pays-Basque et du sud des Landes), Jean-Luc Léger (Non à l’autoroute, liaison autoroutière A28-A13 à l’est de Rouen), Bernard Lembeye (Traversée centrale des Pyrénées), Bernard Loup (centre commercial EuropaCity à Gonesse), Jean-Pierre Chauffier (LGV Limoges-Poitiers), Francis Chastagner (ferme usine des 1 000 vaches), Julien Milanesi (A65), Daniel Ibanez et Raymond Avrillier (LGV Lyon-Turin), Françoise Verchère (Notre-Dame-des-Landes).

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