Zoé, Yanis, Panagiotis et les 39 autres rebelles face aux capitulards tsipriotes

Ils étaient 42 députés Syriza, soit 6 de plus qu’à la précédente session du 23 juillet, à s’opposer au projet de « sauvetage » de la Grèce par ses créanciers vendredi très tôt le matin. À la tête de la rébellion, Zoé Kostandopoulou, Yanis Varoufakis et Panagiotis Lafazanis.

Le Yéti  • 14 août 2015
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Zoé, Yanis, Panagiotis et les 39 autres rebelles face aux capitulards tsipriotes

Illustration - Zoé, Yanis, Panagiotis et les 39 autres rebelles face aux capitulards tsipriotes

42 députés, c’est presque un tiers des élus Syriza au Parlement grec. Autant dire que la rupture est en passe d’être consommée au sein du mouvement emmené par un Alexis Tsipras à la position de plus en plus fragilisée.

Alexis Tsipras dans ses petits souliers

Aujourd’hui, ce dernier, dans ses petits souliers, pourrait bien avoir fort à faire pour emporter un vote de confiance au sein de la Vouli (Parlement grec). Car s’il bénéficie du soutien de l’opposition de droite et du centre pour voter tous les « accords » imposés par les créanciers, pas sûr qu’il en serait de même pour lui accorder un blanc-seing très politique.

Au point qu’on peut s’attendre à l’imminence d’élection anticipée provoquée par un Premier ministre grec qui se croit encore investi d’un fort soutien populaire et qui sait que celui-ci a toutes les chances de fondre quand les nouvelles mesures d’austérité draconiennes exigées par le 3e memorandum auront fait sentir leurs cruels effets sur la population, dès octobre prochain.

On peut par ailleurs douter de l’importance de ce soutien populaire. Comme pour ce qui concerne la question de l’adhésion à l’euro, ce soutien supposé n’est pour l’heure vérifié que par des sondages. Or on a vu lors du référendum du 5 juillet combien ceux-ci, armes de défense massive au main de la citadelle mainstream assiégée, étaient sujets à caution et leurs conclusions plus fantasmées que vérifiées par les urnes.

La résistance s’organise

En attendant, la résistance politique s’organise et s’amplifie — 5 députés récalcitrants de plus, ce n’est pas rien ! — contre les capitulards tsipriotes, qualificatif méprisant attribué au camp des partisans d’Alexis Tsipras par l’indispensable Panagiotis Grigoriou sur son blog, Greek crisis[^2].

Zoé Kostandopoulou , présidente de la Vouli, fait désormais figure de mère courage irréductible dressée contre la politique calamiteuse d’austérité infligée par un Premier ministre grec qui ne sait pas trop comment se défaire de cet encombrant et virulent personnage.

Yanis Varoufakis , ex-ministre des finances, est le type même de l’intellectuel formé par le “système”, défenseur un temps du système, mais qui, revenu de tout et dégoûté par ce qu’il y a vu, finit par se rebeller contre ce dernier. On peut juger Yanis Varoufakis fantasque et imprévisible. Mais le fait est que malgré quelques erreurs de trajectoire, il a su maintenir le cap de l’opposition à la débandade tsipriote, le seul aussi, comme le note Jacques Sapir, à bénéficier d’ une aura médiatique et populaire susceptible de le propulser en leader charismatique de la résistance le moment venu.

Panagiotis Lafazanis , ex-ministre de l’Énergie écarté par Tsipras pour rebellitude lors de la capitulation du 13 juillet, est sans doute le moins médiatiquement connu des trois. Mais, informe Romaric Godin sur la Tribune, c’est lui qui anime la Plateforme de gauche récalcitrante de Syriza et qui appelle aujourd’hui, avec douze autres députés Syriza, à la création d’un nouveau mouvement « anti-mémorandum » . C’est bien lui qui reprend le flambeau du « oxi » triomphant et qui attend sans doute avec impatience la tenue du prochain congrès d’un Syriza au bord de la crise de nerfs.

On le voit, la bataille grecque est loin d’être terminée. Le clan des résistants bénéficie de deux soutiens (involontaires) de taille : l’irréalisme suicidaire du 3e memorandum, reconnu par ceux-là mêmes (Tsipras) qui l’ont signé, et la bêtise aveugle d’oligarques européens (allemands compris) dépassés par des évènements qu’ils ne contrôlent plus.

On ne saurait terminer ce petit tour d’horizon du champ de bataille sans remarquer un troisième facteur de trouble pour faire trembler ce qui reste des députés tsipriotes godillots : le peuple grec lui-même , qui déjoua tous les pronostics mainstream le 5 juillet dernier. Dès qu’un député est élu, sachez qu’il peut vite tomber sous l’influence ramollissante des émoluments coquets qui vont avec et que sa priorité sera de se les préserver. Sans doute la raison du silence sépulcral qui, dans la nuit de jeudi à vendredi, suivi le vote morveux de la Vouli en faveur des diktats imposés à la Grèce par ses créanciers.

« Le Parlement grec est comme une église. Extrêmement silencieux. Ils craignent tous que le soutien au gouvernement soit vacillant. Ils ont tous peur des élections. »

[^2]: Presque en même temps que ce billet, paraît un réquisitoire sans pitié de Panagiotis Grigoriou contre « Tsiprandréou », Premier ministre grec « “légiférant” en violation de la Constitution et contre la volonté populaire exprimée par le 62% du ‘NON’ »: Mémorandum Tsipras .

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