La société civile violemment expulsée du salon du « greenwashing »

Les militants de la cause climatique se sont invités au salon « solutions 21 » pour dénoncer le « greenwashing », donnant lieu à un nouvel épisode de la répression du mouvement écologiste.

Erwan Manac'h  • 4 décembre 2015
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La société civile violemment expulsée du salon du « greenwashing »

Midi, dans les allées guindées du Grand Palais, l’atmosphère se crispe doucement. La mine austère et l’allure imposante des policiers en civil se font de plus en plus pressantes et de nombreuses personnes sont interdites d’entrée et écartées vers le métro.

Ce vendredi, jour d’ouverture du salon « Solutions 21 », plusieurs organisations de la coalition climat 21 avaient annoncé la tenue d’un « Lobby tour », pour décrypter ce que cachent les affichages « écoresponsables », « verts » et « durables » des grandes entreprises qui se sont offertes un stand, moyennant 250 000 euros, par exemple, par Engie (ex GDF).

« On aurait pu organiser ce salon si nous avions voulu faire une caricature du « greenwashing » » , ironise Audrey Arjoune, de l’ONG Peuples solidaires.

Les nominés sont (notamment) :

Vinci, qui présente au salon son travail dans le cadre du « tink tank » Vivapolis qui préfigure l’Institut de la ville durable qui doit être lancé le 8 décembre, avec notamment la banque HSBC, Dassault et Suez. « L’emblème de cette entreprise, c’est Notre-Dame-des-Landes. Nous n’estimons pas qu’il fasse partie des solutions », note Floriant Copain, président des Amis de la Terre.
Engie , ex GDF, qui détient 30 centrales à charbon dans le monde. « Si on les additionne avec les 16 centrales détenues par EDF, dont l’État français est également actionnaire, cela représente la moitié des émissions de gaz à effet de serre de la France » , dénonce Sylvain Angerand, coordinateur des actions pour les Amis de la terre France.

Illustration - La société civile violemment expulsée du salon du « greenwashing »

Avril-sofiprotéol, géant français de l’agro-industrie, qui fait la promotion de l’agrocarburant sur son stand du salon « solutions 21 ». « L’agrocarburant a provoqué l’accaparement de 17 millions d’hectares de terre et déstabilise fortement le marché de l’alimentaire » , dénonce Laurence Marty, du collectif Toxic tour.

Stand d'Avril-sofiprotéol - EM.

Lire > Green Washing : Le poker menteur des firmes


13 h, deux guides s’autodéclarent et commencent une visite guidée, l’un en français, l’autre en anglais. Le groupe, qui compte de nombreux journalistes, est immédiatement encerclé par les policiers en civil :

« Il faut savoir qu’un plein de voiture avec des agrocarburants représente l’équivalent de la nourriture d’une personne vivant sur le continent africain en un an. Voilà le modèle qu’on nous propose pour sauver le climat, alors que l’agriculture paysanne, en polyculture-élevage, existe », commence le guide francophone.

Toute tentative d’avancée dans les allées est stoppée par les forces de l’ordre qui finissent par bloquer un groupe d’une vingtaine de personnes. « Voilà un autre scandale, s’époumone Sylvain Angeraud, coordinateur des campagnes pour les Amis de la terre, qui a pris la suite de la visite guidée. L’huile de palme prétendument durable est cultivée avec un pesticide reconnu comme neurotoxique par l’OMS, le « paraquat ». Il aurait tué plus d’un million de personnes dans le monde. »

Tentative de visite à l'intérieur du Grand Salon, encadrée par la police. - EM.

« La compensation carbone c’est aussi une grande arnaque, enchaîne-t-il dans la cohue. Ça permet à des entreprises de continuer à polluer. J’aurais aimé pouvoir aller discuter avec mes amis de Pur projet , qui se présentent comme une ONG alors qu’ils sont une entreprise qui a pour client Vinci, GDF Suez et un certain nombre d’autres entreprises qui achètent des crédits de compensations carbone. Je suis allé visiter leur projet au Pérou. Pur projet achète des forêts au Pérou et les autorités du pays interdisent aux communautés de couper un arbre, sous peine d’être poursuivies en justice. »


Sylvain Angeraud, des Amis de la terre, quelques secondes avant son expulsion. - EM

Alors qu’il tente de poursuivre, il est tiré par le bras et violemment exfiltré par les forces de l’ordre. Le petit groupe subira le même sort, après une vaine tentative de s’asseoir en signe de résistance pacifique. C’est bientôt tout le salon qui sera fermé au public.

Devant le Grand Palais, les quelques 220 personnes triées au faciès, dont l’accès a été refusé, forment une manifestation improvisée. Une banderole est brièvement déployée devant les marches du monument, avant d’être repliée de force par les policiers en civil.

Deux sommations plus tard, la foule déjà émoussée par un jet de lacrymogène, ne demande pas son reste, préférant éviter les interpellations massives qui semblent se profiler.

« Tout ça pour une petite bande d’écolos », soupire une passante qui constate, dépitée, « qu’ils ont probablement coupé le réseau téléphonique ».


Illustration - La société civile violemment expulsée du salon du « greenwashing »

Selon le témoignage d’un exposant, le salon a été entièrement évacué vers 17 h pour faire entrer les chiens démineurs. Un pince-fesse avec VIP devait se tenir en soirée, uniquement sur invitation.

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