Notre-Dame-des-Landes: un vote normal dans un pays qui n’est pas écolo

Les Français et leurs élus sont champions du discours écologiste mais leur schizophrénie est au moins aussi évidente

Claude-Marie Vadrot  • 27 juin 2016
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On pourra, dans toute la palette des sensibilités politiques, disserter à l’infini sur les qualificatifs à attribuer au vote de la Loire-Atlantique entérinant le désastreux et stupide projet d’aéroport « aux champs » qui risque de se réaliser. On pourra s’interroger sur le périmètre électoral choisi du référendum perdu sans conclure qu’il a été important. Sans oublier que l’examen des résultats du scrutin fait apparaitre que plus les votants sont éloignés de la zone qui sera défiguré, plus ils ont voté pour l’aéroport. Etant précisé que, d’après l’Observatoire des mobilités, moins de 10% de la population appelée à voter prend ou prendra l’avion.

Un sujet de conversation mais pas d’action

Mais la réalité parait plus inquiétante sur plusieurs aspects que les « vaincus » veulent ignorer et que les vainqueurs ont analysé et intégré depuis longtemps, pour Notre-Dame-des-Landes et partout ailleurs : la France n’est pas un pays franchement écolo et la protection de l’environnement et de la nature y est plus un sujet de conversation qu’un sujet d’action ou de contestation. Logique dans un pays où la majorité confond les aires d’autoroute avec un espace naturel et pousse les hauts cris lorsque la puissance publique souhaite diminuer l’omniprésence de a voiture en ville, pénaliser le diesel qui tue ou rendre des berges de fleuve ou de rivière aux piétons, aux bicyclettes et à la promenade.

L’opinion publique dominante est toujours pro-nucléaire et est majoritairement indifférente à la non-fermeture de Fessenheim, elle ne s’étonne guère que la loi sur la biodiversité traine depuis quatre ans dans les enceintes parlementaires en étant détricotée à chaque discussion, elle ne s’alarme pas vraiment de l’abattage des loups ou de l’abandon du plan de réintroduction de l’ours brun alors que les Espagnols poursuivent la leur et ne considèrent pas que l’un et l’autre sont des « ennemis publics » alors que leur territoire en abrite dix fois plus. Ces mêmes Français dissertent volontiers sur les avantages des énergies renouvelables…à condition que les éoliennes, la production du méthane ou les installations solaires ne soient pas installés prés de chez eux. En reprenant sans vergogne ni gêne, les arguments de marchands de pétrole et d’électricité nucléaire tout comme les prétextes esthétiques….

Discours et promesses sans lendemains

Quand aux élus, locaux ou régionaux (voire nationaux…) ils redoublent de promesses et commentaires vertueux, mais ils font abattre les arbres quand cela les arrange, multiplient les ronds points ou se gardent bien d’assortir la délivrance de permis de construire d’un obligation d’installer un chauffage solaire sur les toits des maisons ou des immeubles. Sans oublier ceux qui disséminent des zones commerciales ou industrielles n’importe où sans se poser de questions sur l’injure esthétique aux paysages qu’ils constituent. Les mêmes qui fleurissent à grands frais leurs communes et tracassent les citoyens qui souhaitent construire une maison en bois ; quand ils ne refusent pas le permis de construire à ces habitations.

Chaque lecteur trouvera une illustration à cette schizophrénie de la majorité des élus. Qui reflète parfaitement celle des Français : celle, par exemple qui consiste à réclamer toujours plus d’autoroutes tout en s’opposant à ce qu’elles passent prés de chez eux ; ou celle qui consiste à s’inquiéter des pesticides tout en se précipitant pour constituer des stocks de désherbants avant qu’ils soient (peut-être…) interdits pour pouvoir « nettoyer » leurs jardins ou leurs allées de maisons. Not in my backyard, le vieux slogan américain a été adopté par la majorité des citoyens français. Vive la protection de l’environnement, la lutte contre le changement climatique et les pollutions à conditions qu’elle ne perturbe pas les (mauvaises) habitudes.

Des écolos politiques impuissants

Quand aux écologistes politiques et à leurs hypocrites alliés de l’extrême gauche, ils préfèrent se diviser en de multiples chapelles, jouer aux politiques plutôt que de participer, aux côtés des mouvements associatifs de la nature plutôt que de se consacrer à l’éducation et à l formation de la population.

Dans ces conditions, et sous la férule d’un pouvoir qui reste foncièrement productiviste et aménageur, le résultat du référendum organisé en Loire-Atlantique n’est guère surprenant et relève plus de la mauvaise humeur face à un gouvernement qu’à une (relative) prise de conscience.

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