FSM 2016 : 70 % des visas refusés aux demandeurs du Sud

À la veille du Forum social mondial de Montréal (FSM), l’esprit d’ouverture du Premier ministre Justin Trudeau est entaché par l’intransigeance des consulats canadiens qui semblent avoir barré de très nombreux délégués africains.

Patrick Piro  • 8 août 2016
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FSM 2016 : 70 % des visas refusés aux demandeurs du Sud
photo Patrick Piro. Conférence de presse d'ouverture du FSM 2016. De gauche à droite : Henry Mintzberg (Université McGill), Carminda Mac Lorin, Chico Whitaker (co-fondateur du FSM), Raphaël Canet.

Un forum social mondial « occidental » ? On n’en est pas là, mais les premiers chiffres livrés par les organisateurs inclinent à le redouter. Selon leur sondage, sur les 2 000 invitations qu’ils ont délivré à des organisations des pays du Sud pour le FSM de Montréal, 70 % des 312 destinataires qui ont répondu se sont vu refuser leur visa. « Si ce taux se confirme, c’est préoccupant », euphémise Raphaël Canet, co-coordinateur du comité d’organisation. De nombreux Haïtiens sont dans le lot. Quinze des seize sollicitations népalaises ont été rejetées. Aminata Traoré, ex-ministre de la culture du Mali et figure de l’altermondialisme est au nombre des barrés. D’une manière générale, les Africains sont les plus touchés, dont on exige parfois des données biométriques ou le recours à des officines privées chargées, moyennant finances supplémentaires, de traiter leurs demandes.

Le nouveau gouvernement a été contacté dès l’élection de Justin Trudeau (novembre 2015) pour aplanir les difficultés, affirme le comité d’organisation. Le jeune premier ministre s’est jusque-là distingué par son ouverture d’esprit et une volonté de rupture avec le conservatisme de son prédécesseur Stephen Harper. « Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir », se défend Raphaël Canet, en réponse à un début de polémique qui pourrait enfler : en mars 2015, à l’heure de décider de l’attribution du FSM 2016, certaines voix du Conseil international du FSM s’étaient fermement opposées à son organisation dans un pays du Nord en raison justement du risque de voir de nombreux militants du Sud barrés par des mesures anti-migratoires.

Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il existe une volonté politique d’exclusion

tempère Raphaël Canet, incriminant plutôt le zèle des services consulaires, qui de surcroît attendent souvent l’ultime moment pour délivrer les visas.

Quoiqu’il en soit, les organisateurs s’apprêtent à politiser l’affaire. « L’image du gouvernement est en jeu », souligne Carminda Mac Lorin, co-coordinatrice. Au débotté, la marche d’ouverture du forum, mardi 9 août, pourrait bien adopter pour thème la « solidarité sans frontière ».

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