Rassembler les objecteurs de croissance pour 2012

Par Paul Aries (politologue), Bernard Caron (les Alternatifs) et Baptiste Mylondo (militant politique). Auteurs de Critique de la croissance, la politique s’en mêle, Lyon, Golias, à paraître en 2007.
Politis  • 25 janvier 2007
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La campagne présidentielle n’est pas terminée – elle n’a même pas officiellement commencé en fait – mais on peut d’ores et déjà nourrir d’amères regrets. Sauf coup de théâtre salvateur, aucun objecteur de croissance ne prendra part au débat électoral. Triste situation qui condamne au mutisme tous ceux et celles qui réfutent la pertinence de la croissance économique comme indicateur de richesse, comme source de bien-être mais aussi comme objectif politique. Un espoir, si mince soit-il, demeure bien sûr alors que certains anti-libéraux en appellent à José Bové pour les représenter. Nous nous joignons volontiers à leur appel. Reste que la perspective, aussi souhaitable qu’hypothétique, d’une candidature de José Bové au nom du rassemblement anti-libéral appelle deux mises en garde. Prenons garde d’abord que la critique de la croissance ne se dilue pas dans un anti-libéralisme enfermé dans une logique de relance de la consommation, de l’emploi et finalement de la croissance… Prenons garde également de ne pas placer tous nos espoirs dans la candidature d’un homme providentiel, quel qu’il soit.

La situation actuelle souligne en fait les profondes lacunes des objecteurs de croissance : leur relative faiblesse théorique, leur manque de propositions concrètes et leur inexistence en tant que force politique. Pour y remédier, les objecteurs de croissance doivent se rassembler et préparer dès maintenant les échéances futures sur le plan idéologique comme sur le terrain politique. Gardons à l’esprit que si nous ambitionnons de faire entendre notre voix à l’avenir, nous devons nous y atteler dès maintenant ! L’espoir est immense. Car le clivage profond – mais trop souvent occulté – qui oppose aujourd’hui les partisans de la croissance à ceux qui se montrent résolument critiques à son égard, traverse la Gauche et vient questionner la pertinence du découpage partisan en vigueur. Il invite à rassembler nos idées et nos forces au-delà des partis. Après tout, quelle est aujourd’hui la cohérence des Verts déchirés entre un réformisme radical et la tentation de devenir la mouvance écolo des socialistes ? Que vaut la transversalité du courant Utopia, présent au PS et depuis peu chez les Verts, si elle ne leur offre qu’une place ultra minoritaire dans ces deux partis ? Que peuvent les militants du PCF ou de la LCR questionnant la pertinence et la nature de la croissance, face à des structures partisanes rigides et pro-croissance ? Pensons enfin au foisonnement d’idées, d’initiatives et d’alternatives dont les objecteurs de croissance de tous bords sont porteurs au niveau local. Cette Gauche novatrice qui se reconnaît et se retrouve dans une critique radicale de la croissance doit se rassembler et s’affranchir des barrières partisanes.

Elle doit se rassembler pour faire face au risque de l’éparpillement, fécond certes, mais peu efficace. Elle doit surtout se rassembler pour défendre un projet commun à la hauteur des enjeux sociaux et écologiques auxquels nous sommes confrontés. Seul le rassemblement peut nous permettre de peser dans le débat politique et d’y faire entendre une voix forte et pourquoi pas majoritaire… Les points d’accord ne manquent pas et l’on peut aisément dégager quatre axes fédérateurs : sortir de la spirale consommation – croissance – travail ; repenser la politique énergétique ; relocaliser l’économie ; garantir l’accès de tous aux biens et services essentiels. Parmi les pistes de réflexion susceptibles de concrétiser ce projet on citera notamment la mise en place d’un revenu inconditionnel de citoyenneté (garantissant un niveau de vie décent) lié à un revenu maximal autorisé, la répercussion des coûts cachés de nos modes de vie par le biais d’une taxe écologique avec les mesures d’accompagnement social nécessaires sous peine de vider les rues des voitures des pauvres pour permettre aux riches de rouler encore plus vite, le soutien aux circuits courts de distribution et à une alimentation paysanne, la gestion démocratique des services publics ou encore la défense et l’extension du champ de la gratuité de l’usage face au renchérissement du mésusage. Pourquoi devrait-on payer l’eau le même prix pour faire son ménage et remplir sa piscine ? Pourquoi payer les mêmes impôts fonciers pour une résidence principale et secondaire ? Il n’y a d’avenir à gauche que si nous lions les contraintes économiques et notre projet social par un véritable retour au politique.

Rassemblons-nous donc autour de cette vision politique qui nous unit, et tâchons, d’ici 2012, de faire mieux qu’en 2007.

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