Traces de bagnoles

Le péage urbain limite la circulation automobile, donc la pollution
et les embouteillages. Mais il peut aussi constituer un redoutable instrument de fichage. Exemples à Londres et à Stockholm.

Claude-Marie Vadrot  • 1 février 2007 abonné·es

Depuis février 2003, un système informatique organise la vérification automatique du paiement de la redevance exigée pour pénétrer dans le centre de la capitale anglaise. Relié à un réseau de 800 caméras capables de lire l’immatriculation des voitures en circulation ou en stationnement, il permet à la police londonienne de ne plus jamais être à côté de la plaque ! Ce péage urbain couvre, pour l’heure, un peu plus de 20 kilomètres carrés, mais la surface contrôlée sera étendue en 2007 à une quarantaine de kilomètres carrés, soit plus du tiers du territoire de Paris. Et les 4 X 4 devront payer triple tarif dès février.

En Grande-Bretagne comme dans d’autres pays européens, notamment en France, les autorités, la police, les municipalités, les écologistes, la gauche, la droite, les commerçants et les citoyens, s’affrontent sur l’utilité d’un tel dispositif. Est-il pénalisant pour la partie la moins favorisée de la population ? Quels sont ses effets, réels ou illusoires, sur la pollution ou sur la disparition des embouteillages ? Faut-il appliquer des réductions à ceux qui résident dans la zone ainsi protégée ? Seules réponses pour l’instant : les embouteillages ont diminué de 30 % à Londres et de 40 % à Stockholm, lors d’un essai de six mois. Idem dans cinq villes de Norvège qui ont eu recours au péage pour financer des infrastructures routières en périphérie.

À Londres, peu perçoivent ce péage comme un moyen de contrôle. Pourtant, que la contribution quotidienne de 12 euros ait été ou non acquittée à l’avance par le biais d’un abonnement, ou payée le soir même avant 23 heures par un terminal, les caméras permettent, grâce à l’ordinateur qui gère les péages et le trafic, de reconstituer les parcours et les stationnements d’une voiture. À chaque fois que l’une des caméras lit une plaque, l’ordinateur central vérifie et note. Chargé d’infliger automatiquement les amendes pour défaut du paiement de la taxe de circulation, il possède une excellente mémoire.

Début 2006, la ville de Stockholm s’est dotée d’une installation similaire, qui a été approuvée à 53 % par les habitants de la région après six mois d’utilisation. Il n’y a pas eu, là-bas non plus, de contestation au nom du respect des libertés, alors que ce système induit incontestablement une atteinte à la vie privée. Ceci explique sans doute que la police londonienne ait été aussi enthousiaste lorsque ce péage a été instauré par le maire travailliste, connu sous le nom de « Ken le Rouge »…

L’instauration, sans intervention humaine, de la reconnaissance automatique des plaques d’immatriculation a permis, une fois le système mis au point, le lancement d’une opération de recherche et d’identification permanente de toutes les voitures circulant en Grande-Bretagne. Dans un premier temps, le système a été embarqué dans des voitures de police banalisées et reliées à l’ordinateur des forces de l’ordre. Deux minicaméras s’intéressant exclusivement aux plaques d’immatriculation suffisent à dire si la voiture a été déclarée volée quelques secondes après la prise de vue. L’ordinateur vérifie également que le véhicule est correctement assuré, que le contrôle technique a été effectué, que la vignette de l’année figure, que le véhicule n’a pas fait l’objet d’une amende non payée ou qu’il n’est pas « suspect ». Toutes ces informations ont été préalablement enregistrées par l’ordinateur central ou proviennent des bases connectées. Si l’ordinateur découvre deux plaques d’immatriculation identiques à deux endroits différents à la même heure, il déduira que l’un des véhicules a été volé et doté d’une fausse plaque.

Ce système d’observation a démarré en juin 2006 dans le comté de Staffordshire et, comme il a été concluant, il quitte peu à peu les voitures de police pour s’installer, via des caméras fixes, dans toute la Grande-Bretagne. Ce qui en ajoute encore au réseau déjà très étendu de vidéosurveillance local. Comme le serveur central, situé près de Londres, de cette gigantesque opération a été conçu pour pouvoir emmagasiner 80 millions de relevés de plaques par jour, il sera facile aux services de police d’archiver la circulation des quelque 30 millions de véhicules anglais. Ceci pourrait inciter les responsables parisiens à résister à la tentation du péage urbain, qui a déjà les faveurs de la préfecture de police et du ministère de l’Intérieur. Milan va bientôt tenter sa propre expérience de péage, et Amsterdam a programmé la sienne pour 2010. Autant de systèmes qui permettront de suivre les automobilistes à la trace.

Écologie
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