Au nom du fils

Une belle transposition, par Thibault de Montalembert,
de la « Lettre au père » de Kafka.

Gilles Costaz  • 29 mars 2007 abonné·es

Kafka et son papa, ça n’allait pas ! On le sait si on a lu la Lettre au père et, si on ne l’a pas lue, on sait naturellement que les relations filiales et paternelles ne sont pas d’une simplicité évangélique. Le théâtre peut éclairer encore davantage cette affaire-là. Dans le moment que nous proposent Thibault de Montalembert, metteur en scène, et Thierry de Peretti, acteur en solo, les mots de Kafka brûlent, en effet, d’une manière singulière. L’identification qui s’opère ­ nous redevenons tous des fils pensant à notre père ­ se double de l’émotion collective d’une salle suspendue à l’accouchement de la vérité biographique.

L’attitude de Kafka est double, triple, quadruple. Il aime son géniteur, qui n’est pas le pire des chefs de famille. Mais il y a entre eux tous les détails qui nourrissent l’incompréhension et les placent sur des chemins de plus en plus parallèles. Montalembert aime d’ailleurs les trajets géométriques : au cours de la soirée, son acteur trace sur scène deux cercles à la craie, à l’image de deux mondes qui ne se rejoindront jamais. La mise en scène figure surtout la mutation d’un homme, d’abord enfant, en maillot, puis adulte, adoptant le gilet qui symbolise le costume du bourgeois. Tout en acceptant la convention sociale, il gagne sa liberté intérieure.

C’est ce qu’exprime Thierry de Peretti dans un cheminement très subtil, avec un sentiment de jeunesse permanent, comme si le temps n’avait pas prise sur lui, alors que le père, invisible, a accepté tous les compromis du temps. L’acteur virevolte et tournoie sans haine, dans une douceur hagarde, une quête de lucidité prudente, tenant la peur sous le boisseau (car c’est la peur du père dont parle Kafka), sans jamais lui donner libre cours. Là où d’autres auraient utilisé l’acide et la colère, Thierry de Peretti joue plutôt l’étonnement devant la violence secrète des relations. Cette tendre douleur est belle et contagieuse.

Culture
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