Au turbin, l’Europe !

Au sein de l’Union européenne, il est plutôt question de l’allongement du temps de travail. Des batailles ont lieu autour d’une directive augmentant sa durée maximale hebdomadaire.

Thierry Brun  • 1 mars 2007 abonné·es

La réduction du temps de travail n’est plus de mise au sein de l’Union européenne, où il est plutôt question de l’allongement de la durée du travail, dans une bataille que les candidats à la présidentielle se gardent bien d’évoquer. Nicolas Sarkozy a donc beau jeu d’affirmer qu’il veut que « les 35 heures restent un minimum, en aucun cas un maximum » . Il ne fait que suivre les recommandations de l’organisation patronale européenne, l’Unice, ainsi que les propositions défendues par la Commission européenne, qui prend pour références le modèle économique libéral et la Grande-Bretagne. Ce pays détient un record parmi les États membres, selon la Confédération européenne des syndicats (CES). « Les personnes occupées à temps plein travaillent en moyenne 44 heures par semaine » et « quelque 4 millions de personnes travaillent plus de 48 heures par semaine » , écrivait cette organisation en 2005, dans une étude dressant un état des lieux de la directive européenne sur le temps de travail, actuellement en cours de révision.

À Bruxelles, la France fait figure de mauvais élève pour avoir mis en place une législation fixant à 35 heures la durée légale de travail hebdomadaire. En réalité, avec 41 heures de travail par semaine, les Français se situent un peu en dessous de la moyenne européenne (41,9), indiquent les statistiques européennes. Mais la législation actuellement en vigueur à l’échelle de l’Union offre aussi la possibilité de pratiquer une durée moyenne maximale de 48 heures de travail hebdomadaire, y compris les heures supplémentaires. La directive relative à la durée et à l’aménagement du temps de travail, mise en place en 1993 et modifiée en 2003, contient aussi une disposition permettant de dépasser ces 48 heures. Connue sous le nom d’« opt-out », la directive autorise les dérogations individuelles à la règle, avec l’accord du salarié. C’est le système en vigueur en Grande-Bretagne. La durée hebdomadaire de travail peut ainsi atteindre légalement jusqu’à 78 heures dans l’Union.

Sous la pression des groupes patronaux européens, notamment de l’Unice, la Commission a proposé de réviser la directive en 2004 et de généraliser le système d’opt-out, portant ainsi la durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures à 65 heures. Ce qui a déclenché un tollé à la CES. « La Commission, dans sa grande « générosité », a fixé à 65 heures la durée maximale hebdomadaire de travail pour les salariés en opt-out. Ce qui est en contradiction avec la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes » , pointait aussi la CGT dans une audition à l’Assemblée nationale en mai 2005. Saisi des propositions de la Commission, le Parlement européen a adopté un texte amendé qui supprime l’opt-out en 2010 mais conserve un mécanisme de flexibilisation pour le calcul des 48 heures hebdomadaires maximales.

Ce texte ne verra pas le jour, en raison des divergences qui opposent les États membres. Lors du Conseil des ministres des Affaires sociales de l’UE, fin 2006, aucun accord n’a été trouvé sur la version amendée de la directive « temps de travail », et en particulier sur l’opt-out. L’échec est considéré comme « un signal négatif pour les travailleurs européens » , estime la CES, qui regrette « qu’aucun progrès n’ait été accompli au Conseil ». Selon elle, « l’Europe sociale est en panne » . La proposition de révision de la directive par la Commission n’est pas enterrée pour autant. Le débat a été renvoyé au second semestre 2007 dans le meilleur des cas, c’est-à-dire après la présidence de l’Allemagne.

Société
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