Frénésie béate

Field Music crée une pop inventive et lumineuse. Caractère imprévisible et rythmes enlevés.

Jacques Vincent  • 7 mars 2007 abonné·es

Field Music est un trio pop du Sunderland, au nord de l’Angleterre, composé des frères Brewis, Peter et David, et de leur comparse Andrew Moore, dont le rôle crucial consiste à interpréter les idées des deux autres, qui n’en manquent pas. Totalement dénué de glamour, le groupe est aussi anonyme que sa contrée d’origine. La photo qui figure à l’intérieur de la pochette de Tones of Town doit en donner une image assez fidèle, dans son home studio , au milieu des instruments et devant une table de mixage. Impossible donc de le repérer pour autre chose que la musique, mais l’argument est largement suffisant, comme le prouve n’importe quel morceau de son deuxième album. Le premier, « Give It, Loose It, Take It », fait parfaitement l’affaire en matière de démonstration. Il s’ouvre sur un motif répétitif évoquant l’école du même nom, joué au xylophone, se poursuit sur un de ces rythmes hachés et sautillants qui étaient la marque de fabrique de XTC, avant le retour du motif répétitif, cette fois totalement intégré dans la narration, qui se calque sur ses circonvolutions avant de se conclure en points de suspension.

On trouve là tout ce qui fait Field Music : le caractère imprévisible, les rythmes enlevés dus à une batterie mordante, les mélodies, la diversité de l’instrumentation, et ce découpage en très petites séquences agencées selon un ordre dont la logique lui est propre, mais à laquelle on adhère étonnamment vite. Les chansons semblent prises d’une frénésie béate qui les fait virevolter continuellement dans toutes les directions et ne prendre le temps de souffler que pour laisser les voix dessiner des nuages duveteux dans le ciel. Sûrement pas le moyen d’obtenir les suffrages des masses, mais Field Music semble parti pour suivre les traces d’un groupe comme les Nits, et offrir régulièrement les mets les plus fins à une poignée de convives. Les Hollandais tiennent ainsi depuis trente ans, et on leur en souhaite au moins autant. Un voeu d’ailleurs intéressé, tellement leur musique est capable d’éclairer la journée la plus sombre.

Culture
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