Le monétarisme imposé

Organisme non élu, la Banque centrale européenne impose sa politique de lutte contre l’inflation au détriment de l’emploi et des salaires.

Michel Soudais  • 22 mars 2007 abonné·es

Augmenter le Smic et les salaires ? La Banque centrale européenne (BCE) ne veut pas en entendre parler. Son président, Jean-Claude Trichet, l’a rappelé fin février dans une interview publiée sur le site Internet de la BCE : « La modération salariale est et restera un élément important non seulement pour l’Allemagne, mais pour toute l’Europe. Je dis, au nom du conseil des gouverneurs, que la hausse modérée du coût du travail a été un facteur clé pour augmenter l’emploi et réduire le chômage ces dernières années. » L’intransigeance monétariste de la BCE n’est plus à démontrer. Le 8 mars, elle a relevé ses taux d’intérêt pour la septième fois en quinze mois, en dépit d’une croissance pour le moment sans inflation. Mais la crainte de possibles hausses de salaires élevées a suffi à affoler les gouverneurs. Ce relèvement contribue à renforcer encore l’euro, dont la valeur face au dollar atteint des records.

Cette politique monétaire, défavorable aux industries européennes, dont Airbus est emblématique, est dans le collimateur de la quasi-totalité des candidats. Début décembre, Ségolène Royal a profité du congrès des socialistes européens, à Porto, pour égratigner la BCE et son président, leur déniant « le droit de décider de l’avenir » de l’économie européenne. « La croissance et l’emploi […] doivent être inscrits dans les statuts de la BCE » , estime-t-elle. Nicolas Sarkozy veut aussi « qu’on mette l’euro au service de l’emploi et de la croissance » . Selon lui, « l’euro n’appartient pas à M. Trichet », et « on se prive d’un instrument […] uniquement pour des raisons idéologiques ». Seul François Bayrou défend encore l’action de la BCE : lutter contre la hausse des prix est « une action sociale » , soutient-il. Les attaques contre la BCE et l’euro fort sont « démagogiques » , renchérit Laurence Parisot (Medef).

Ce débat « inquiète assez » Angela Merkel et nos partenaires. La chancelière allemande a rappelé, mi-janvier, que « l’existence de l’euro est liée à une décision commune que nous avons prise : avoir une Banque centrale indépendante » . « Que la BCE, d’après le mandat qui lui fut conféré par le traité de Maastricht, porte toute son attention à la stabilité des prix, correspond, à mes yeux, à l’exercice du mandat que nous avons voulu qu’elle exerce » , déclare aussi le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe. Tranché depuis les années 1990, le débat ne sera pas facile à rouvrir. D’ailleurs, personne n’y songe.

Lors de la dernière réunion des ministres des Finances de l’UE, les 27 ont réaffirmé que « les fruits de la reprise économique » devaient être « mieux distribués » . « La part de salaires dans le revenu global des États membres est aujourd’hui au plus bas depuis de nombreuses années, je ne pense pas que cette position soit tenable » , a même renchéri le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Joaquim Almunia. Mais, faute de remettre en cause le statut de la BCE, les 27 en sont réduits à évoquer l’intéressement de salariés et la participation au capital des entreprises comme alternatives à des hausses de salaires.

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