L’effet Sarkozy ou le nettoyage technique

Claude Attia raconte sa soirée du 14 avril dernier, lors de la venue de Nicolas Sarkozy dans le Vaucluse. Edifiant.

Claude Attia  • 17 avril 2007
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Samedi 14 avril 2007

16h30 – Nous sommes installés en face de l’office de tourisme de Châteauneuf-du-Pape, nous attendons l’arrivée du Petit Nicolas au milieu d’une foule bigarrée et nombreuse. On m’informe que certains d’entre-nous sont collés de près par des poissons-pilote plus connus sous le nom de R.G.
Des hommes en gris, au regard dur, nous tournent autour et nous fixent avec insistance. Certainement des hommes du service de sécurité du Petit Nicolas.

17h – Un homme en costard bleu, l’oreillette dans l’oreille, s’approche de nous et nous interpelle sans sourire : « Bonjour messieurs, veuillez nous suivre s’il vous plaît, c’est pour un contrôle d’identité ». Nous voulons bien le suivre mais il refuse, et nous dit « On vous suit, allez-y » ? Ces messieurs nous accompagnent vers des gendarmes mobiles, c’est-à-dire l’armée. Nous sommes serrés de près, la tension est palpable chez eux. Un d’entre-nous leur demande si ils seront présents au meeting de Bové ce soir à Avignon, le gendarme nous répond que non avec un rictus. A notre grande surprise, nous apercevons des collègues qui eux aussi étaient venus débattre avec le Petit Nicolas. Nous sommes embarqués dans un fourgon des gendarmes, on nous dit qu’on nous emmène au local des services techniques de la mairie pour contrôle d’identité. « Ça va durer combien de temps ? » dis-je. Réponse : « Ça peut durer 10 minutes minimum ou plus si vous n’êtes pas en règle ». Ca devient clair, on nous neutralise pour ne pas perturber le discours de l’ex-ministre de l’intérieur et possiblement futur président de la République.

Arrivés au local des services techniques, un gendarme, en tenue de combat mais sans casque, nous demande nos cartes d’identité. Attente. Nous sommes 7 personnes gardées par des gendarmes. Un d’entre-nous appellent des collègues pour les informer de notre aventure pour le moins étonnante.

Le Petit Nicolas refuserait-il un débat avec des personnes en désaccord avec ses idées politiques ? Est-ce que nous sommes dans un état démocratique ou dans un état monarchique ?

Un avocat est prêt à venir nous rendre visite pour nous faire libérer et nous apprenons que les gendarmes n’ont pas le droit de nous empêcher de participer ou d’assister à un discours de n’importe quel candidat à la présidentielle. La manœuvre devient obscène. Nous demandons à être relâché puisque que nous avons autre chose à faire. La réponse des gendarmes est : « Nous avons un problème technique de transmission informatique » !

18h – Cette manœuvre dure 1h et les gendarmes finissent par nous relâcher. En retournant vers nos véhicules, j’aperçois le Petit Nicolas à l’arrière de sa voiture, chemise blanche ouverte, le sourire aux lèvres et agitant sa main en direction du bon peuple.
Nous interpellons des journalistes afin de dénoncer des méthodes peu démocratiques d’un candidat qui vise la plus haute fonction de l’état. Nous dénonçons les R.G. qui sont dévolus et complices d’un état de plus en plus sécuritaire et qui se prêtent à ce jeu dangereux du « déni de démocratie permanent ».

20h – Intervenant au meeting de José Bové en tant que représentant des « Intermittents », je fais part de notre aventure devant plus de 1 000 personnes. L’information est passée.

23h30 – France Info « flash info » : « Nicolas Sarkozy a appelé les électeurs en Vaucluse à ne pas se faire confisquer le débat ». Sans commentaire !

Claude Attia est membre du collectif du 25 février et de Sud Culture Vaucluse

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Temps de lecture : 3 minutes
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