Retourner l’insulte en fierté

Olivier Doubre  • 26 avril 2007 abonné·es

« Non, nous n’avons pas de proxénètes. Non, nous n’avons pas été violées dans notre enfance, ni par la suite. Non, nous ne sommes pas toxicomanes. Non, nous n’avons jamais été forcées de nous prostituer. Non, nous n’avons pas d’angoisse post-traumatique. Non, nous ne sommes pas malheureuses.

Oui, nous avons une vie sentimentale. Oui, nous avons des amies et des amants. Oui, nous sommes engagées dans la lutte contre les discriminations. Oui, nous exerçons un métier stigmatisé. Oui, nous avons choisi ce métier. Oui, nous voulons les mêmes droits que tous les citoyens de ce pays. »

C’est par cet « avertissement » que commence un livre aussi original qu’important dans l’histoire des luttes contre les violences et les discriminations en France : Fières d’être putes . Motivés par le « refus de devoir continuer à porter les stigmates liés à la prostitution » , Thierry Schaffauser et Maîtresse Nikita, qui exercent ce métier, ont créé l’association Les Putes lors de la première Conférence européenne des travailleurs du sexe, à Bruxelles, en octobre 2005. Militants, au départ, d’Act Up-Paris, les deux sex workers , dans la lignée des mouvements homosexuel et féministe, revendiquent une prise de parole « minoritaire » , à la première personne, afin de « retourner l’insulte en fierté » . La Loi sur la sécurité intérieure de Nicolas Sarkozy, votée en 2003, qui pénalise le racolage, même « passif » (sic), marque véritablement le début de leur engagement. Ils observent, en effet, les conséquences « dramatiques » de cette loi en matière de santé ou de « conditions de travail ». Obligées à une clandestinité permanente, les prostituées ne peuvent plus faire appel, en cas de violences, à la police, « censée pourtant protéger l’ensemble des citoyens » , et se trouvent, de fait, encore plus sujettes aux agressions et aux appétits de « protecteurs ».

Ce petit livre demande aux principaux partis (en particulier de gauche) de cesser de reprendre les discours abolitionnistes ou prohibitionnistes qui, respectivement, souhaitent au mieux réinsérer, au pire réprimer, les prostitués : « Il est temps qu’ils nous écoutent car personne ne sait mieux que nous ce qui est bon pour nous »

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

À Nantes, la socio-esthétique apaise les corps des demandeurs d’asile
Reportage 2 décembre 2025 abonné·es

À Nantes, la socio-esthétique apaise les corps des demandeurs d’asile

Bulle de douceur, le travail de la socio-esthéticienne du centre d’accueil des demandeurs d’asile complète l’approche des travailleuses sociales en redonnant au corps la place centrale qu’il mérite, et à la personne, un temps pour soi.
Par Elsa Gambin
29 novembre : en France, une unité nationale inédite mais tardive de solidarité avec la Palestine
Mobilisation 28 novembre 2025

29 novembre : en France, une unité nationale inédite mais tardive de solidarité avec la Palestine

Ce samedi de Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, une manifestation nationale rassemblera à Paris plus de 85 organisations : associations, syndicats et l’ensemble des partis de gauche. Une configuration inédite depuis le 7 octobre 2023, la plupart des structures politiques restant jusqu’ici en retrait ou divisées lors des mobilisations. Des rassemblements ont aussi lieu sur tout le territoire.
Par Caroline Baude
Dissolution d’Urgence Palestine : face aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, la France botte en touche
Répression 28 novembre 2025

Dissolution d’Urgence Palestine : face aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, la France botte en touche

Fin septembre, le gouvernement français a été interpellé par quatre rapporteurs spéciaux de l’ONU sur les atteintes aux droits humains qu’entraînerait la dissolution d’Urgence Palestine. Politis a pu consulter la réponse du gouvernement, qui évacue les questions, arguant que la procédure est toujours en cours.
Par Pauline Migevant
« Je ne veux pas être déportée » : au CRA d’Oissel, la mécanique de l’enfermement
Reportage 27 novembre 2025 abonné·es

« Je ne veux pas être déportée » : au CRA d’Oissel, la mécanique de l’enfermement

Si le centre de rétention administrative (CRA) d’Oissel-sur-Seine, situé en pleine forêt, n’existe pas dans la tête des gens habitant aux alentours, l’enfermement mental et physique est total pour les femmes et les hommes qui y sont retenus. Politis a pu y rentrer et recueillir leurs témoignages.
Par Pauline Migevant