Journal de Cannes (2)

Suite et fin des impressions de festival de Christophe Kantcheff. L’étrange réalisme poétique de Béla Tarr, un beau film gonflé de Jacques Nolot, une « vieille maîtresse » surprenante, le « miracle » Kawase…

Christophe Kantcheff  • 31 mai 2007 abonné·es

Lundi 21 mai

« Paranoid Park » de Gus Van Sant

En lice aujourd'hui, dans la sélection officielle : le dernier Gus Van Sant, Paranoid Park . Pas de déception. Gus Van Sant se renouvelle en opérant un décalage par rapport à ses films précédents, Elephant et Last Days notamment.

Paranoid Park reprend quelques données d' Elephant : les adolescents, le lycée, la quasi-absence des parents. Formellement, Gus Van Sant reprend aussi certains principes : les travellings dans les couloirs du lycée, les ralentis, la déconstruction de la narration. Mais, cette fois-ci, le cinéaste ne s'intéresse pas à un groupe, mais à un ado en particulier, Alex, à Portland, Oregon.

Dans les premières séquences, Gus Van Sant indique où se situe le noeud de l'action : sur les pistes de skateboard. Il y fait pénétrer le spectateur, si j'ose dire, de plain-pied. Le cinéaste utilise le très maniable Super 8, exactement comme les films spécialisés dits « de skate » . Paranoid Park est le nom d'une de ces pistes de Portland, l'une des plus dangereuses par les difficultés qu'elle propose, mais aussi par son environnement social.

Alex, effondré parce qu'il a tué accidentellement ­ je ne dévoile rien, le spectateur le comprend très rapidement ­, rappelle aussi le personnage de Last Days , en guerre avec lui-même, détruit intérieurement. L'entrée dans la vie adulte s'est donc peut-être réalisée plus vite que prévu pour Alex : par cet accident atroce. Gus Van Sant, plus pessimiste envers Alex qu'envers les ados rescapés d' Elephant , laisse peser sur lui un avenir sombre.

Des traces d'Elephant, de Last Days , mais aussi une longue séquence de douche, qui fait songer à Psychose , célébrissime film d'Hitchcock, dont Gus Van Sant fit un remake copie conforme, ou encore l'utilisation de la musique de Nino Rota, le compositeur de Fellini, voilà qui me ramène à l'idée de décalage, d'écart, de reprises d'éléments réinstallés dans un nouveau contexte narratif et esthétique. Gus Van Sant ne se sert pas de la citation comme gimmick. En cela, Paranoid Park n'est pas un film postmoderne. Il revivifie des émotions de cinéma. Mardi 22 mai

«~L'Homme de Londres~» de Béla Tarr/«~De l'autre côté~» de Fatih Akin/«~Retour en Normandie~» de Nicolas Philibert/«~Persepolis~» de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud/«~Secret Sunshine~» de Lee Chang-dong

En compétition officielle, l'Homme de Londres , de Béla Tarr, a imposé son étrange réalisme poétique sauce magyare. Le cinéaste a collé à l'atmosphère poisseuse du roman éponyme de Simenon : avec un noir et blanc gris sale, une musique lancinante d'accordéon marin, des personnages mutiques et bourrus, le fatum social pesant...

Il y a quelque chose d'hypnotique dans l'esthétique du cinéaste hongrois. J'évoquais le réalisme poétique, mais à la condition que Marcel Carné

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Culture
Temps de lecture : 12 minutes