La France d’après…

Christine Tréguier  • 10 mai 2007 abonné·es

Nicolas Sarkozy a franchi avec succès la dernière marche qui le menait à la plus haute fonction de l’État. Une moitié de la France pleure, l’autre fête la victoire. D’autres se repassent avec angoisse une politique-fiction en deux parties postée le 30 avril à 4 h 32 du matin sur Daily Motion. Intitulée la France d’après , cette vidéo a une forme télévisuelle connue : celle du best of annuel d’images d’actualité. Seul le commentaire et les intertitres égrenant les dates nous indiquent qu’on ne regarde pas le passé mais un avenir imaginaire. Le film ouvre sur la victoire de Sarkozy par 50 000 voix, au soir du 6 mai. Images de la gauche atterrée, rumeur de fraude sur les machines à voter, et répression des manifestations de colère dans les quartiers. Le 14 juillet 2007, Sarko, dont le commentaire souligne les migraines chroniques, se pointe en vélo à la garden party de l’Élysée. Septembre 2007 : à la suite d’un propos du Président jugé insultant, les jeunes des quartiers se déchaînent et transforment le périphérique en champ de bataille. Sarko déclare l’état d’urgence permanent, la police militaire contrôle tous les véhicules après 22 h.

Janvier 2008 : le taux de chômage est tombé à 7,1 % grâce à une politique offensive du reclasser-trier-éliminer les chômeurs (radiés après deux refus d’emploi). Avril 2008 : Brice Hortefeux et Claude Allègre lancent le programme de recherche sur les gènes de la pédophilie et du suicide. Ce qui leur vaut le soutien des labos et un blâme de la communauté internationale. Juillet 2008 : en réitérant ses propos « la France n’a pas inventé la solution finale » , Sarko déclenche une crise européenne sans précédent et s’attire les foudres des Nations unies. Nadine Morano joue les artificiers tandis que, nous dit la voix, Sarko « est encore alité dans un caisson noir stérile suite à une nouvelle crise de migraine ». Octobre 2008 : la Sécurité sociale sera bientôt excédentaire, les vieux ont été remisés dans les placards des centres d’accueil, et les sociétés d’assurances nagent en pleine euphorie boursière. Janvier 2009, le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Philippe de Villiers, inaugure les Pims, puces implantées sous la peau, qui vont faciliter la gestion des stocks de migrants choisis et la relégation des mineurs délinquants…

Entre images familières, faits réels, promesses des uns et craintes des autres à peine extrapolées, la France d’après fait peur. Reste à espérer que son réalisateur soit paranoïaque, et non clairvoyant.

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