Palme plate

Palme d’Or en 2001, « la Chambre du fils » est le moins original et le plus consensuel des films de Nanni Moretti.

Jean-Claude Renard  • 3 mai 2007 abonné·es

À l’orée des années 1980, victime de la concurrence télévisuelle et de l’effondrement du marché, le cinéma italien est moribond. Seul Nanni Moretti signe un cinéma d’auteur, attaché à l’écriture et à des personnages à la fois engagés dans la bataille sociale et un tantinet tourmentés. Ainsi Bianca (1984), La messe est finie (1985), Palombella rossa (1989). En 1993, il ouvre son Journal intime par cette exclamation : « Je suis un splendide quadragénaire ! » Un cri du coeur contre une génération gâchée par le défaitisme. Le cri de Moretti trouve sa justification à la fin de ce film déployé en trois chapitres : le cinéaste a réchappé à un cancer du poumon. Et la boucle du film de se boucler ainsi. À l’intérieur, une magnifique promenade en Vespa guidée par Moretti lui-même, à travers Rome, des quartiers de la Garbatella à Spinaceto, quelques déambulations drolatiques dans les îles éoliennes avant de revenir à Rome, ballotté d’un cabinet médical à l’autre. Au-delà de cette promenade, c’est là une réflexion personnelle sur la télévision, la presse, la difficulté de communiquer, le langage… Journal intime avait l’air d’une confidence, d’une oeuvre narcissique. Mais l’art de Moretti, comme pour Aprile (1996), est de concilier l’individu et le collectif, d’être personnel et tellement italien, tellement italien et tellement universel.

En 2001, le cinéaste repartait de Cannes avec la Palme d’or pour la Chambre du fils , son film le moins original, le plus consensuel. L’histoire d’un couple qui perd son fils, une famille confrontée à un deuil impossible. À l’exception de courtes scènes de bouffonnerie grotesque et légère, c’est un mélo pur jus, qu’on appelle volontiers « bouleversant ». Arte a préféré diffuser ce film au succès international, peut-être le plus à même de faire un peu d’audience [^2], plutôt que de miser sur la qualité des autres longs-métrages de Moretti. Mauvaise pioche.

La Chambre du fils, lundi 7 mai, 20 h 40, Arte (1 h 36).

[^2]: La chaîne se rattrape avec le Tambour, de Schlöndorff (le 10 mai à 20 h 40), et Elephant, de Gus Van Sant (le 14 mai à 20 h 40).

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