« Changer d’échelle »

Pour le mouvement Alter Ekolo, la gauche doit mener la bataille environnementale et sociale aux niveaux européen et mondial.

Francine Bavay  • 28 juin 2007 abonné·es

Une nouvelle période politique va donc s’ouvrir. Il n’est pas choquant d’espérer qu’elle permettra à la gauche de rebondir, mais, pour cela, il est indispensable de tirer les enseignements de ces échecs en rafale.

La victoire de Nicolas Sarkozy n’est pas la victoire du néolibéralisme. C’est le repositionnement politique d’une petite nation en une grande métropole de l’univers mondialisé. Sarkozy a réussi le tour de passe-passe de remettre la France à sa place, aux deux sens du terme. Le super-maire de la commune France se comporte à Paris, à Heiligendam ou à Bruxelles en élu de proximité, et cela rassure car cela paraît à la hauteur du possible.

Cette requalification territoriale du pays a paru souhaitable aux électeurs parce qu’aucune force de gauche n’a répondu aux attentes de solidarité de ceux pour qui la mondialisation n’est pas un concept mais génère des conditions de vie sociale et environnementale qui se dégradent. La campagne de l’altermondialiste José Bové, qui s’est appuyée sur des propositions de restauration du compromis fordiste plutôt que sur de nouvelles solidarités élargies au bon niveau territorial ­ l’Europe et le monde ­, n’a pas été à la hauteur des enjeux.

Les dégâts ne s’arrêtent pas là. Nicolas Sarkozy est en train de réussir un autre tour de passe-passe, qui est de changer la place de l’écologie. Son Grenelle de l’environnement invite les ONG à y prendre une place prépondérante. Les Verts hurlent, mais ne pourront pas hurler longtemps. Car les ONG vont désormais jouer pour l’environnement le rôle que les syndicats jouent pour le social. Sarkozy peut « syndicaliser » les questions écologiques, parce que, après la canicule de 2003, après la prise de conscience mondiale du dérèglement climatique, aucun projet de développement digne de ces enjeux n’a été proposé à la société, et c’est donc la résistance associative qui s’impose comme seule solution pratique face à l’urgence climatique. Et cela laisse les écologistes politiques là où ils sont, hors sol, hors société.

La gauche dans son ensemble a perdu les élections ; espérons que cela lui donnera conscience qu’elle a surtout perdu l’ambition d’un projet à la hauteur des enjeux, à la dimension du monde solidaire avec les générations présentes et futures qu’elle est censée instaurer.

Y a-t-il un remède ? Oui. Construire la société européenne solidaire dont nous avons besoin, démontrer qu’il est possible de faire société en refaisant politique au bon niveau territorial. Il est urgent de combattre la dérive autoritaire liberticide en posant les bases d’une démocratie radicale. Cela ne sera possible qu’en changeant d’échelle. C’est la raison pour laquelle les écologistes antilibéraux, antiproductivistes, après Greenpeace, après Attac, se sont constitués en réseau européen en créant Alter Ekolo.

Nous avons l’ardente obligation de réussir. Sinon, c’est l’« européanisation » de la vie politique française qui pointe, la reproduction du fonctionnement du Parlement européen. Déjà, l’appel de Daniel Cohn-Bendit à la convergence des écologistes avec la gauche social-libérale et le centre cherche à importer ces équilibres. Souhaitons qu’il ne réussisse pas, car en supprimant le clivage entre droite et gauche on ne fait que donner à penser qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme financier et au productivisme forcené.

Alors, résister. Mais résister n’est pas créer. Il reste à inventer une citoyenneté dans tous ses États, national, européen, mondial, en répondant aux défis environnementaux et sociaux de notre temps. Reste à s’y atteler. C’est ce qu’Alter Ekolo cherchera à faire le week-end prochain.

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