« Dénoncer l’arbitraire colonial »

José Bové
est parti en Nouvelle-Calédonie soutenir, durant la campagne législative, les candidats de l’USTKE, qui luttent pour l’indépendance de la Kanaky. Il explique ses liens avec ce mouvement social et politique,
ainsi que les enjeux locaux.

Clotilde Monteiro  • 7 juin 2007 abonné·es

Pourquoi avez-vous décidé de vous inviter
dans la campagne des législatives en Nouvelle-Calédonie ?

José Bové : Je suis venu ici en tant qu’ami. J’ai décidé de soutenir les deux candidats de l’USTKE [^2] aux législatives, Louis Kotra Uregéi, pour la première circonscription, et François-Xavier Apok, pour la deuxième, puisque j’ai réalisé ici, à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, des scores honorables. Je suis arrivé en troisième position dans le Nord, en deuxième position dans les îles, où j’étais ex-aequo avec Nicolas Sarkozy, et en tête à Belep, la commune la plus au nord du territoire, avec 46,8 % des voix. Il m’a donc semblé naturel de me porter volontaire pour appuyer la parole de ceux qui revendiquent les droits du peuple indigène en Kanaky.

Quels sont vos liens avec le mouvement indépendantiste kanak ?

Il suffit de se référer au slogan de campagne de l’USTKE, « Kanaky, un autre monde est en marche », qui peut s’apparenter à celui qui symbolisait la candidature collective que j’ai représentée durant la campagne présidentielle. Nos liens sont étroits et anciens puisqu’en 1977 une délégation kanake était pour la première fois présente à un des rassemblements du Larzac. Depuis, nous nous sommes toujours soutenus mutuellement dans nos combats respectifs.

Vous dites que vous faites campagne dans les colonies et vous employez le terme « Kanaky » pour désigner la Nouvelle-Calédonie…

En effet, je participe à la campagne dans une des colonies françaises avec lesquelles nous avons le plus de liens. Le terme « Kanaky », je l’emploie à dessein car il définit cette région par rapport à son peuple originel. Et il rappelle la nécessité de la reconnaissance du peuple kanak, qui a été colonisé. Une reconnaissance d’ailleurs stipulée dans les Accords de Nouméa, le 5 mai 1998. Le nom de Kanaky a été créé et revendiqué à partir des soulèvements de 1980, puis de 1988, tout comme le drapeau kanak. Ce sont des signes officiels qui identifient la Kanaky et donnent tout son sens à l’idée de peuple originel.

Pourquoi l’USTKE, qui est un syndicat professionnel, a-t-il décidé de se lancer dans le combat électoral ?

L’USTKE, qui avait pourtant appelé à la création du FLNKS [^3] en 1984, a fait le constat que ce mouvement indépendantiste ne répondait plus aux attentes des Kanaks et de ceux qui réclament l’indépendance. Il reproche au FLNKS d’accompagner un processus de cogestion. La décision d’entrer dans la campagne a été prise le 5 décembre, lors du dernier congrès de l’USTKE, auquel j’ai participé.

Quelle est la légitimité de l’USTKE ?

L’USTKE a une légitimité très forte dans la mesure où il est devenu la première organisation syndicale du pays, aussi bien dans le secteur privé que public. Ce syndicat est entré dans la bagarre depuis sa création, en 1981, et a représenté d’emblée un mouvement social et politique qui s’inscrivait dans les luttes d’émancipation.

Quelles sont ses revendications ?

Il s’est donné pour objectif de redonner du corps à tout le processus indépendantiste. Dans leurs interventions, les deux candidats dénoncent l’arbitraire colonial, l’arrogance du système politique dominant via la mainmise des partis de droite sur les autorités locales depuis des années. Ils se battent pour un rééquilibrage, afin que les Kanaks puissent avoir accès à l’emploi. La vague d’immigration très forte qui se poursuit depuis la métropole entraîne leur marginalisation. Louis Kotra Uregéi et François-Xavier Apok revendiquent la possibilité pour les Kanaks de créer leur propre développement économique et contestent la logique des multinationales présentes ici, notamment dans le secteur du nickel, qui provoquent la destruction de l’environnement. La présence de l’USTKE aux législatives s’inscrit dans une lutte sur le long terme, puisque ses représentants ont en ligne de mire l’échéance de 2009, au cours de laquelle tous les délégués du congrès qui gère les trois régions de Kanaky seront réélus. D’autre part, ils tentent de remettre sur le tapis la question de la reconnaissance officielle de la Kanaky, prévue par les Accords de Nouméa. Car, depuis cette date, rien n’a avancé.

[^2]: Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités.

[^3]: Front de libération nationale kanak et socialiste.

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